Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/948

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poste. Le lendemain, le roi le fit mander devant son conseil. Ce n’était plus le légat du pape remplissant sa mission en présence des états de Bohême, c’était simplement, et on le lui déclara tout d’abord, le fonctionnaire du roi George appelé à rendre compte de l’exécution de son mandat. « Il est vrai, répondit insolemment Fantin, que j’ai servi le roi comme chargé d’affaires, tant que j’ai espéré que le roi serait fidèle à ses promesses et tiendrait son serment ; mais depuis que je l’ai vu parler d’une façon et agir d’une autre, j’ai quitté son service. » À ce nouvel outrage le roi tira son épée : « Je ne sais qui me retient, s’écria-t-il, de t’étendre mort à mes pieds ! » Fantin, bravant jusqu’au bout la colère trop légitime de son maître, répondit qu’il ne pouvait souhaiter un trépas plus glorieux. Cette bravade fut un avertissement. Le roi sentit quelle faute il eût commise. Était-ce à lui de punir de sa main le mandataire infidèle, l’homme qui avait trahi la confiance du roi, la confiance de tout un peuple, et qui se vantait de sa félonie ? Il suffisait de le livrer à ses juges. Le procès ne fut pas long. On produisit immédiatement des pièces apportées de Rome par l’ambassade, et prouvant que le docteur Fantin de Valle, loin de servir les intérêts de son maître, avait excité contre lui la haine des Romains. La sentence portait qu’il avait mérité la mort, mais que le roi, par déférence pour le pape, exerçait son droit de grâce et se bornait à tenir le condamné sous bonne garde. Le légat fut enfermé le jour même dans les prisons de l’hôtel de ville. La chancelier Procope de Rabstein, convaincu aussi d’infidélité, fut destitué de sa charge, et obligé sur parole a rester prisonnier chez lui jusqu’à nouvel ordre. À cette nouvelle, quelques-uns des chefs catholiques, l’évêque de Breslau et le baron Zdének de Sterhberg, furent saisis d’une terreur panique et s’éloignèrent de Prague sans prendre congé du roi. Au contraire l’évêque d’Olmütz, Procas de Boscowic, resta plusieurs jours dans la ville et s’employa charitablement à calmer les esprits.

Ce n’était pas devant la colère du roi, dont la sagesse était connue, c’était devant l’irritation populaire que les. chefs catholiques avaient pris la fuite. L’émotion publique était extrême ; les imaginations effarées attribuaient au gouvernement les plus sinistres projets. Le roi, pour étouffer ces rumeurs, crut devoir signifier ses intentions au clergé des deux églises. Il ordonna au consistoire hussite et au chapitre de l’archevêché de rassembler à Prague, le 16 septembre, tous les prêtres soumis à leur autorité. Cet ordre était formulé en termes si sévères que le doyen du chapitre, Hilaire de Leitmeritz, exigea de tous ses subordonnés un reçu de la convocation, afin que nul ne pût alléguer son ignorance De tous les points de la Bohême, les deux clergés répondirent à l’appel. Le matin du jour où ils devaient se présenter devant le roi, sept cent quatorze prêtres