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UN
PHILOSOPHE POETE

Gravenhurst, dialogues sur le bien et le mal, par » W. Smith ; 1 vol. Blackwood et fils, Londres 1862.

Que pense l’oiseau entre les serres de l’épervier ? Que pense le cerf blessé par son rival ou par l’homme, et qui va mourir dans un coin ? Que se dit le rouge-gorge pendant les jours de famine et de froid d’un long hiver ? Qui le sait ? L’animal est pour nous un mystère. Sans doute il subit passivement son sort ; il souffre et ne pense pas, Ou plutôt, car c’est là aussi une sorte de philosophie muette, l’animal ne croit qu’à lui-même : s’il le pouvait, il voudrait bien repousser loin de lui cette souffrance ; mais il ne le peut pas, et tout absorbé dans la douleur du moment, sans prévoir ce qui doit suivre, sans ajouter à l’angoisse présente par la crainte de l’avenir, il se couche pour mourir. Il n’en est pas ainsi de l’homme. Sous le coup de la douleur du moment, il se rappelle les douleurs du passé, il donne à tous ces maux un même nom, et par cela seul il y voit comme les actes d’une même puissance ou d’une même loi ; le mot n’importe. Il redoute dans l’avenir les coups de cet être qui l’a frappé dans le passé : c’est comme un ennemi qu’il a devant lui, un ennemi qui a voulu le blesser, qui veut encore le blesser, et il se révolte contre cet adversaire, il le hait, il lui demande compte de sa haine. C’est la question du bien et du mal, éternelle énigme, question que l’homme s’est sans cesse posée et qui le tourmentera sans cesse, question qui est presque à elle seule l’histoire entière de l’humanité.

Les religions, les philosophies, les législations, toutes les divinités même qui ont peuplé le ciel ou l’enfer des mythologies, que sont-