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elles s’arrêteront ? C’est en ce sens que Paul II et ses agens sont responsables devant l’histoire de tout ce que renferme cet horrible tableau. Quant au roi George, il grandit avec le danger. Il contient les passions de son peuple, il organise des troupes régulières, et l’ordre qu’a établi depuis quinze ans son génie pacificateur se maintient et se développe jusqu’au sein de ce tumulte effroyable. C’est dans les lieux écartés, dans les vallées désertes, dans les défilés des montagnes que les croisés allemands exercent leurs abominables fureurs ; partout où leurs bandes isolées se réunissent, partout où ils osent affronter la bataille au grand jour, ils sont pris ou taillés en pièces. Le 22 septembre 1467, le chevalier Janowski, à la tête d’un détachement des troupes royales, en fait quatre mille prisonniers. Les deux princes Victorin et Henri tiennent de leur côté en échec la ligue des barons révoltés. Si les rebelles demandent une trêve, le roi, au lieu de poursuivre ses avantages, essaie de les vaincre par la générosité. Il les tenait divisés, chacun dans son domaine et sa forteresse ; il leur permet de se réunir à Breslau, la capitale de l’insurrection, et de conférer ensemble sur la conduite à suivre, tant il a confiance en son droit, tant il est heureux de faire luire sur ce pays désolé l’esprit de conciliation et de paix. Ainsi s’accroît son autorité morale en même temps que se déploient ses forces militaires ; ainsi le roi se révèle à tous plus grand, plus généreux que jamais, au moment même où le pape a rayé son nom du livre des souverains. Chose digne de remarque, les évêques des deux pays où s’agitait surtout la rébellion les deux chefs spirituels de la Silésie et de la Moravie, l’évêque de Breslau, Jost de Rosenberg, et l’évêque d’Olmütz, Protas de Boscowic, furent touchés de cette grandeur toute chrétienne ; en dépit des injonctions de Paul II, ils proposèrent de faire la paix avec le roi. L’évêque de Breslau, fils du plus ancien ennemi de Podiebrad, ne craignit pas d’affronter les fureurs de la populace pour faire triompher son opinion. Il mourut peu de temps après, et ce fut à grand’peine que les habitans de Breslau le laissèrent ensevelir dans sa cathédrale.

Si le noble cœur du roi triomphait des préventions les plus opiniâtres, on pense bien que son prestige ne diminuait pas chez ces princes de l’empire, accoutumés depuis tant d’années à respecter ses vertus royales. N’oublions pas un événement où éclatent les sympathies qui l’entouraient. On a vu que la fille du margrave Albert de Brandebourg avait été fiancée en 1460 au prince Henri, fils du roi George. La princesse n’avait que dix ans au moment des fiançailles ; quand elle atteignit sa dix-septième année, le roi de Bohême venait d’être mis au ban de l’église par les imprécations de Paul II. Le margrave de Brandebourg oserait-il bien donner sa fille au fils de l’hérétique, au fils de celui que le pape avait exclu