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l’engouement passager des amateurs de bric-à-brac qu’il convient de consulter ici ? Ne sont-ce pas des raisons plus durables ? Outre la réussite matérielle, outre la pâte et la cuisson, ne faut-il pas songer à la grandeur, à la beauté des formes, à la perfection des peintures, à l’élégance de la décoration ? Pour figurer dans un musée, suffit-il qu’un objet ait chance de se bien vendre ? Ne faut-il pas qu’il porte un certain caractère de haute distinction ? Or que voit-on dans cette salle, outre quelques beaux plats ? quelle pièce peut-on citer qui sorte du vulgaire comme forme et comme style ? Si vous nous montriez soit les vastes aiguières et les admirables vases du cabinet des majoliques à Florence, soit seulement quelques morceaux de choix comme on en voit à l’hôtel de Cluny, à la bonne heure, on se résignerait en faveur de ces nobles œuvres à votre multitude d’insignifiantes raretés ; mais telle n’est pas la collection des majoliques au musée Campana. Aussi, même en l’épurant, jamais vous n’en ferez sortir qu’une mesquine et incomplète image de cette grande branche de l’art italien.

À plus forte raison faut-il désespérer aussi de la série des sculptures, bien qu’il soit juste cependant d’y signaler au moins trois charmantes esquisses, trois petits bas-reliefs, tout à fait dignes d’attention, l’un (n° 81) attribué, avec quelque apparence de raison, à Michel-Ange, les deux autres (nos 6 et 7) d’une main inconnue, mais suave et délicate. Quant aux pièces plus importantes, les marbres proprement dits, bas-reliefs et statues, nous ne les avons pas, on vient de voir qu’ils sont à Londres. Aussi, pour nous, cette série de sculptures modernes se compose presque exclusivement de terres cuites émaillées à la manière des della Robbia. Pauvres della Robbia ! que d’excuses à leur faire ! ils ne sont guère mieux traités que les grands peintres leurs contemporains. Quelle façon de les faire connaître dans ce pays, où leurs vrais chefs-d’œuvre n’ont jamais pénétré ! Les accuser de ces froids médaillons ! les confondre avec leurs derniers élèves et leurs plus faibles imitateurs ! N’insistons pas, mais hâtons-nous de quitter cette salle et toute la partie moderne de l’exposition. Rentrons dans le salon carré, c’est-à-dire sur le sol antique. Nous aurons par bonheur de quoi nous dédommager. Trois séries nous attendent, trois séries vraiment belles, d’une richesse incomparable, où personne avant nous n’a glané, et où le premier fonds s’est encore enrichi de quelques additions heureuses. Ces trois séries sont les verres antiques, les terres cuites et les bijoux.

L’art, dans les verres antiques, ne joue pas un grand rôle ; aussi c’est à l’archéologue bien plutôt qu’à l’artiste que s’adressent les nombreux trésors enfermés dans ces trois vitrines. Sauf quelques petites pièces, quelques coupes charmantes, imitant le saphir, le jaspe et d’autres pierres précieuses, sauf une vraie merveille, un