Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du sentiment italien ; là tout parle avec éloquence, tout rend témoignage de la vie passée. Les monumens, les places, les rues ne rappellent que des choses et des noms italiens. Là, et là seulement, résident la force et le secret de cette puissante et toujours renaissante vitalité de l’Italie… La nécessité d’une nouvelle et véritable capitale est donc évidente et incontestable ; mais il faut que cette capitale n’ait pas, pour ainsi dire, un gouvernement et une administration qui lui soient propres, et qui puissent réagir sur l’intérêt général de la nation ; qu’en matière de traditions et d’habitudes gouvernementales et politiques, elle n’ait rien qui dépasse les limites d’un intérêt municipal… Si cette capitale avait en outre la splendeur et la magnificence des monumens, la grandeur historique, les souvenirs des sciences, des lettres et des arts, un héritage de grandeur et de gloire proportionné à la taille de la nation qui se relève, tant mieux ! Ce serait dans tous les sens, au sens vulgaire et au sens légal, la capitale véritable et parfaite… Voilà la solution définitive des difficultés, celle qui absorbe, nous ne le savons que trop, toutes les pensées et tous les efforts, ceux de l’Italie, ceux du gouvernement, ceux de l’Europe intelligente. » On le voit, le dernier mot du publiciste le plus modéré qui ait étudié le problème de l’unification de l’Italie est le même que celui qu’avaient à la bouche l’imprudent Garibaldi et ses téméraires compagnons.

Si d’une part il est maintenant établi que la possession de Rome comme capitale est la condition indispensable de l’organisation et du développement de l’Italie, à la renaissance de laquelle la France a si volontairement et si efficacement travaillé, il est certain, d’un autre côté, qu’il est impossible d’alléguer, au nom de la France, une seule raison sérieuse et logique contre la réalisation de cette condition d’existence de la nouvelle Italie. Un journal vient d’être fondé parmi nous à grand fracas, dont la seule mission paraît être de rallier toutes les oppositions qui combattent en France la solution de la question romaine. Par une rencontre inconcevable, l’honorable sénateur qui conduit cette campagne de presse est le même écrivain qui a été l’éditeur responsable et en tout cas le rédacteur des fameuses brochures qui ont joué un si grand rôle dans les diverses phases de la question italienne. M. de La Guéronnière soutient aujourd’hui une thèse qui est inconciliable avec les propositions les plus importantes qui aient été développées dans ces écrits retentissans. Il ne veut point que la France mette un terme à la fausse situation qui lui est faite à Rome. Il ne veut pas que l’intervention illogique que nous exerçons auprès du saint-siège cesse enfin. Or il est impossible de trouver dans sa polémique un seul argument qui puisse justifier une telle prétention. La question romaine peut être traitée à trois points de vue, le point de vue italien, le point de vue catholique, le point de vue français. Les Italiens disent : « Sans Rome, il nous est impossible de marcher ; » les catholiques disent : « Sans pouvoir temporel, il n’y a plus d’autorité spirituelle indépendante. » C’est entre ces prétentions contraires que l’intérêt français doit se prononcer. Or M. de La