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que cette crise, par le profit que le gouvernement et l’opinion libérale et modérée pourront tirer de leur succès, aura été une crise salutaire. Grâce à Dieu, la lutte n’a été ni assez longue ni assez vive pour laisser après elle de larges blessures, des haines vivaces et de profonds ressentimens. Garibaldi est pris et blessé. Les titres qui le recommandent à la clémence du roi sont tels qu’il n’y a pas lieu de craindre qu’un prisonnier de cette importance soit un embarras pour le gouvernement. Il est difficile de croire qu’un rebelle de cette sorte puisse être mis en jugement. Son échec et la perte de son prestige sont une punition suffisante de sa faute. Autorisé par sa victoire à être indulgent, le ministère, nous l’espérons, n’aura pas de peine à effacer rapidement les traces de ce fâcheux déchirement. Il n’abusera pas non plus de l’état de siège qui a été décrété dans les provinces méridionales. L’état de siège, dont Cavour mourant repoussait la perspective avec une préoccupation si noble, aurait l’inconvénient, s’il était trop prolongé, de placer le Napolitain et la Sicile dans une sorte d’infériorité politique vis-à-vis de l’Italie du nord ; les provinces méridionales, dans le travail de l’unification, auraient l’air d’être traînées à la remorque, au lieu de concourir à l’œuvre nationale par un mouvement libre et spontané : le pénible sentiment qu’entretiendrait en elles cette situation inférieure pourrait nuire plus tard à leur propre progrès et à la solidité de la fusion nationale. Quoique l’état de siège soit un regrettable moyen de gouvernement, il est possible en certaines circonstances, en l’employant dans la stricte limite du nécessaire, d’en faire un usage utile. Tel est, croyons-nous, le projet du ministère. Il profitera du gouvernement militaire en Sicile et à Naples pour purger l’administration des mauvais élémens qui y avaient été introduits au moment de la révolution et pour délivrer Naples du honteux fléau de la camorra. Si, dans les difficiles circonstances que l’Italie a traversées depuis plusieurs mois, nous avons pu craindre que le cabinet de Turin ne fût insuffisant, nous croyons n’être que justes en reconnaissant à M. Rattazzi deux qualités, la modération et le sang-froid, qui peuvent aujourd’hui trouver une application heureuse, et qui nous paraissent le rendre propre à cicatriser promptement les blessures de la crise et à prévenir la faute d’une réaction exagérée et maladroite.

Nous voudrions étendre plus loin nos conjectures relativement à l’influence heureuse que devraient exercer sur le parlement italien et le gouvernement de Turin l’effacement du parti de l’action et la défaite de l’insurrection garibaldienne. Il semble que l’occasion est indiquée pour que la vie parlementaire reprenne à Turin des allures plus franches et plus décidées que celles qu’elle avait gardées dans les incertitudes de ces derniers temps. Par exemple il doit être possible aujourd’hui à M. Rattazzi de compléter et de fortifier son cabinet. Peu de jours avant la séparation de la chambre, un de ses membres les plus distingués, M. Minghetti, avait, à propos d’un débat financier, abordé la question politique ; parlant au nom de la majorité conservatrice, il tenait la question de confiance suspendue jusqu’au