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pagne ce langage de bravade que, si le pape accordait une dispense pour le mariage avec la France, le roi d’Espagne irait à Rome avec une armée, et la mettrait à sac. — Nous l’en empêcherons bien, me répondit à l’instant la reine-mère, car nous lui taillerons assez de besogne ailleurs. Mais qu’est-ce qui vous presse le plus? — J’insistai alors sur l’inconvenance du septième des articles proposés et sur l’impossibilité du dernier, qui impose au roi un serment en faveur de la liberté des catholiques, et je la conjurai d’employer son crédit auprès du roi son fils et son autorité sur les ministres pour faire réformer ces deux articles spécialement, et pour que l’affaire soit promptement et amicalement terminée. — Si nous en sommes réduits, ajoutai-je, à cette extrémité que l’article relatif au serment ne puisse pas être modifié plus qu’il ne l’a déjà été, qu’au moins votre majesté obtienne qu’on admette la protestation du roi mon maître que, par ce serment, il ne s’oblige qu’autant que cela pourra se concilier avec la sûreté, la paix, la tranquillité et le bien de son royaume. — La reine a trouvé cela raisonnable, et m’a promis d’en parler au roi et au cardinal. — Si vous en parlez comme vous le pouvez, madame, je suis sûr que ce que vous direz sera, fait. Seulement je ne sais pas si, même cela fait, le roi mon maître pourra porter aussi loin la condescendance. Mais je ne veux pas fatiguer plus longtemps votre majesté; je la prie de trouver bon que j’aille, comme elle a bien voulu me le permettre, m’acquitter auprès de Madame des ordres que le prince m’a donnés pour elle. — Que voulez-vous lui dire? me demanda la reine. — Est-ce que votre majesté veut m’imposer la même loi qu’en Espagne on avait imposée à son altesse? — Le cas est différent : en Espagne, le prince était en personne; ici, il n’y a que son député. — Le député, repris-je, représente la personne. — Enfin qu’est-ce que vous direz? — Rien qui ne soit digne des oreilles d’une si vertueuse princesse. — Mais qu’est-ce donc? — Eh bien! madame, puisque vous voulez absolument le savoir, je dirai à son altesse que votre majesté m’ayant permis de lui parler un peu plus librement que je ne l’ai encore fait, j’obéis aux ordres du prince en le mettant complètement à son service, non plus par voie de compliment, mais avec toute l’affection et la passion que lui ont inspirée les beautés de sa personne et de son âme, et qu’il fera tout ce qui sera en son pouvoir pour faire réussir cette alliance, et encore quelques autres paroles d’amoureux langage. — Allez, allez, me dit en souriant la reine; il n’y a point de danger dans tout cela; je me fie à vous, je me fie à vous. — Je n’ai pas abusé de sa confiance; c’est bien là ce que j’ai dit à Madame en l’amplifiant un peu, et Madame a goûté avec joie le miel de ces paroles, me témoignant avec une profonde révérence sa reconnaissance pour le prince, et combien elle serait heureuse de mériter la