Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/846

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’occupation de cette ville par le général Wool. Il était manifeste que Davis ne s’était résigné à ce sacrifice qu’afin d’appeler à Richmond le général Huger et les 18,000 hommes qui jusque-là avaient défendu le grand arsenal virginien. Enfin le chef des confédérés avait ordonné la levée en masse de tous les individus en état de porter les armes. On les faisait passer dans des camps d’instruction, puis ils étaient incorporés dans les vieux régimens, dont l’effectif se trouvait ainsi presque doublé. Tout cela allait faire perdre à l’armée du Potomac la seule supériorité qu’elle eût eue jusqu’ici, celle du nombre, et malheureusement tout conspirait à hâter ce changement. Pendant que l’ennemi se concentrait et grossissait ses forces, cette armée fondait à vue d’œil. Nous avons déjà vu comment, au départ d’Alexandrie, une division lui avait été enlevée et donnée à Frémont. Devant York-Town, elle avait perdu deux autres divisions, celles du corps de Mac-Dowell retenues devant Washington. Depuis, il avait fallu laisser des garnisons à York-Town, Gloucester, Williamsburg ; on avait perdu du monde par le feu et les maladies ; grand nombre de traînards enfin étaient restés en arrière, et rien n’était venu combler ces vides. Lorsqu’un régiment de volontaires américains part pour la guerre, il y va tout entier et ne laisse rien après lui. Pas de dépôt, pas de renouvellement du personnel, à mesure qu’il se consomme, par des recrues exercées venant réparer les pertes et grossir l’effectif. On comprend combien il y avait lieu de s’inquiéter de cette diminution de l’armée, alors qu’on savait les confédérés accroissant chaque jour leurs forces, et qu’en s’enfonçant au cœur de leur pays on allait s’éloigner de sa base d’opérations et perdre en même temps la protection matérielle et morale de la marine, dont le concours avait été jusque-là si puissant et si utile.

Je sais bien que l’évacuation de Norfolk par les gens du sud avait été suivie d’un événement important et fort heureux pour les fédéraux. Le Merrimac, qui n’était plus commandé par le brave Buchanan, ne sachant plus où aller, avait été incendié par son nouveau capitaine. Désormais le James-River était ouvert à la marine des États-Unis ; il l’était malheureusement trop tard. Les canonnières blindées le Galena, le Monitor, le Nangatuck remontèrent jusqu’à sept milles de Richmond ; mais là elles trouvèrent la rivière barrée par une estacade infranchissable, et sur la rive élevée qui borde le James-River une batterie de gros calibre, nommée Fort-Darling, qu’elles ne réussirent pas à faire taire. Le gros canon du Nangatuck éclata, le Monitor ne put donner assez d’élévation à ses pièces pour atteindre le fort. Quant au Galena, sa cuirasse de trois pouces et demi d’épaisseur fut insuffisante à le protéger contre les boulets coniques de 100 ; il dut se retirer, après une lutte héroïque, avec une grande