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moitié n’est plus payable que le 1er janvier : c’est ainsi que 35 millions sont retirés aux charges de 1862. Enfin, par des annulations de crédit, la dépense sera raccourcie d’autres 35 millions. Dépense et recette seront de la sorte mises à niveau, résultat merveilleux sur lequel n’avaient point compté les tireurs d’horoscope de l’an de grâce où nous vivons. Cette conclusion ouvre un beau jour sur l’avenir, c’est-à-dire sur l’exercice de 1863. Le budget de 1863 a été établi en équilibre d’après les données du nouveau système ; il est divisé en budget normal et en budget extraordinaire, de façon à fermer autant que possible la porte à l’imprévu. Or les prévisions de recettes de ce budget seront infailliblement dépassées par le produit des impôts indirects. Ce qui se passe cette année démontre la certitude de cet accroissement de revenu. Les revenus indirects pendant les six premiers mois de 1862 ont été de 50 millions supérieurs au produit des taxes indirectes dans la période correspondante de 1861. Or c’est d’après les résultats de 1861, déjà si prodigieusement dépassés par ceux de 1862, que les revenus indirects ont été calculés dans le budget de 1863. M. Fould a donc raison de compter sur la plus-value que l’élasticité du revenu doit donner l’année prochaine dans les estimations modérées de la loi de finances. Il y compte si bien et il la prévoit si considérable qu’il n’hésite pas à déclarer qu’elle nous garantira en 1863 contre les supplémens de dépense de la guerre du Mexique !

Voilà les faits heureux qui ressortent de l’exposé du ministre des finances. Sans doute, pour en venir là, on a dû recourir à des moyens hardis et sévères. Il a fallu tenter une conversion de la rente où l’intérêt de l’avenir était sacrifié aux nécessités du présent ; il a fallu en temps de paix, et dans une année douloureuse pour une portion considérable de nos classes industrielles, non-seulement s’abstenir de l’œuvre où les bons gouvernemens financiers doivent mettre leur gloire, l’abaissement des taxes, mais au contraire aggraver les impôts de consommation. Cependant le fait est manifeste : à ne l’envisager qu’au point de vue de la trésorerie, la situation financière, comparée à ce qu’elle était il y a un an, est singulièrement améliorée. Nos finances sont à la fois mieux ordonnées et plus libres. Nous ne sommes plus oppressés par une dette flottante énorme et toujours grossissante ; nous sommes délivrés de l’obsession des emprunts en temps de paix venant ajouter de nouveaux fardeaux aux charges permanentes du pays. Mais, après avoir exprimé à propos d’un tel résultat toute la satisfaction convenable, on n’est point dispensé de tirer des chiffres présentés par M. Fould les enseignemens qui en ressortent. Applaudissons-nous d’avoir de quoi payer les dépenses supplémentaires de 1862 ; mais n’oublions pas les causes de ces dépenses et les moyens à l’aide desquels nous les couvrons. Sur les 195 millions de supplémens de crédit qui grèvent le budget de 1862, les dépenses de la guerre et de la marine prennent, en dehors des allocations normales, la somme énorme de 126 millions : plus de 50 millions la guerre, près de 76 millions la marine.

Les chiffres mêmes de M. Fould nous révèlent donc que les embarras