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cour de Rome met impérieusement notre propre attitude en pleine lumière, ne nous laisse plus l’abri de l’ombre la plus mince, et nous crée à nous-mêmes non-seulement le devoir, mais la nécessité de la franchise. Nous n’avons plus même besoin d’exprimer et de nuancer notre politique par des discours et par des paroles. Si nous prolongeons notre intervention entre le pape et les Romains, qui aspirent à donner à l’Italie monarchique sa capitale nécessaire, toute explication sera superflue ; nous dirons assez par notre conduite que, démentant la France de 1789, nous sommes devenus les défenseurs du principe théocratique pur. Au contraire, pour demeurer fidèles aux principes de la révolution, nous n’avons qu’à assigner une date à notre évacuation de Rome. Tandis que, par la marche de nos négociations avec la cour romaine, la situation a pris pour la France cette décisive clarté, en Italie, pour l’organisation du nouveau royaume, pour l’ascendant du gouvernement régulier et de la politique conservatrice, l’affaire de Rome devient d’une façon plus pressante que jamais la question vitale. En continuant à intervenir à Rome, nous ne blessons donc pas seulement nos principes, nous nous exposons à condamner l’Italie à une existence tourmentée et précaire, et à être nous-mêmes les destructeurs d’une œuvre à la fondation de laquelle nous avonstant contribué. Nous avons d’autant moins de scrupule à poser le dilemme de la question romaine dans toute la rigueur de ses termes, qu’à moins d’être dépourvu de toute clairvoyance, il serait impossible de ne pas s’apercevoir que ce dilemme doit, à l’heure qu’il est, se poser au sein même du gouvernement français.

Nous n’avons point attendu ce moment pour montrer que nous comprenions les perplexités de l’empereur devant une telle crise. Ces perplexités sont d’autant plus naturelles, qu’autour du pouvoir les deux causes s’affirment depuis quelque temps avec des manifestations qui sont arrivées à la publicité. N’est-il pas évident en effet que le journal la France a été fondé pour être l’organe d’une politique qui n’est pas sans influence dans la sphère gouvernementale ? Il s’est formé là un parti singulier, ou, si l’on aime mieux, un groupe étrange, qui embrouille avec une élégante futilité toutes les contradictions et toutes les inconséquences dans une atmosphère vaporeuse et musquée. C’est là que l’auteur d’une brochure anathématisée par le pape entreprend la défense de la souveraineté temporelle, là que l’on veut continuer l’occupation de Rome par haine de l’Italie plus encore que par amour de la papauté. Cette confusion exhale nous ne savons quel parfum de faux légitimisme, et l’on y prend des airs bizarres de fatuité diplomatique et conservatrice. Nous ne voulons pas exagérer l’influence de cette coterie ; nous espérons qu’elle ne prévaudra pas contre l’ensemble des hommes de sérieux mérite qui sont la force du gouvernement. Nous ne voulons pas non plus en diminuer l’importance. Nous ne croyons pas au succès du parti hostile à l’Italie ; mais nous pouvons nous tromper. Il ne serait pas impossible que les représentans de cette réaction anti-italienne n’eussent leur jour de pouvoir. Il ne serait pas impossible que la fermeté