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À côté de la partie satirique cependant il y a aussi le drame. L’amour timide du fils de Giboyer pour Mlle Maréchal et l’attitude de la jeune fille, d’abord superbe, puis émue et désarmée, ont inspiré au poète quelques scènes qui ne manquent pas de charme, et le développement de cet amour combattu, puis heureux, n’a rien qui blesse la vérité humaine. On n’en saurait dire autant de l’attitude du fils de Giboyer vis-à-vis de son père, dont il connaît le métier abject. L’auteur pèche ici comme ailleurs par un excès de verve, et, loin d’adoucir une situation pénible, — le contraste du mépris et du respect filial, — il lui donne un relief qui laisse la conscience du spectateur plutôt froissée que satisfaite.

Telles sont quelques-unes des objections qu’éveille la comédie de M. Augier, et malgré tant de provocations au rire, l’impression qu’on rapporte de cette comédie est voisine de la tristesse. Combien de qualités aimables compromises par une verve intempérante ! Et avec quelle étrange insouciance se joue le poète dans cette atmosphère malsaine où l’enjouement est si peu de mise ! Mais à côté des questions d’ordre moral et littéraire que soulève cette pièce, il en est une autre que nous ne pouvons passer sous silence : nous voulons parler du lieu même où elle a été représentée. Il y a des théâtres où certaines questions de morale, de goût, de bienséance, si l’on veut, nous paraissent appeler une sollicitude particulière. Ces tirades où ce qui reste d’une société libérale et polie est si lestement traité n’auraient-elles pas dû retentir partout ailleurs qu’à la Comédie-Française ? Nous sommes pour la liberté au théâtre, et nous ne saurions nous plaindre que la comédie de M. Augier se soit produite devant le public ; mais plus la cause de la liberté nous paraît respectable, plus grands aussi nous paraissent les devoirs de ceux qui ont à en concilier l’exercice avec le sentiment des convenances sociales. À ce point de vue, nous comprenons les traditions de bon goût qui ont-pu un moment faire hésiter le ministre d’état avant d’autoriser la représentation du Fils de Giboyer. Ce que nous regrettons, c’est que l’administrateur du Théâtre-Français, son subordonné, n’ait point montré le même tact. Quelques avis, quelques conseils intelligens n’auraient-ils pas suffi pour éclairer l’auteur, lui signaler quelques écueils et l’en détourner ? Il est plus aisé sans doute de disserter mollement sur les classiques ou d’improviser des feuilletons de littérature légère que de donner des leçons de goût et de parler comme Alceste quand on est tout prêt à faire le sonnet d’Oronte, si on ne l’a déjà écrit ! Quoi qu’il en soit, l’épreuve est faite maintenant, et il est à souhaiter que M. Augier en comprenne la signification.


V, DE MARS.



ESSAIS ET NOTICES.

LA VIGNE.
Culture de la Vigne et Vinification, par M. le docteur Jules Guyot[1].

Il a paru l’année dernière, sous ce titre, un volume bientôt parvenu à sa seconde édition, et qui est aujourd’hui entre les mains de presque tous nos

  1. 1 vol. in-12, à la Librairie agricole, 26 rue Jacob.