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en bronze, avait construit pour Salomon des voitures ou supports munis de roues destinés à recevoir et à transporter les bassins ou chaudières dans lesquelles on lavait (c’est la Bible encore qui nous en instruit) les objets destinés aux holocaustes. Nul doute pour M. Nilsson que chez les Juifs, où tant de coutumes des peuples qui les environnaient, avaient pénétré des cette époque, un artiste venu lui-même de Phénicie et adorateur de Baal n’eût construit ces véhicules à l’image de ceux qui, dans sa religion, servaient aux sacrifices ; on sait en effet que l’art égyptien avait déjà antérieurement fait invasion, en Judée, et on a démontré que le temple de Salomon lui-même reproduisait le module des temples phéniciens. Or voilà qu’on a retrouvé dans le nord de l’Europe, parmi les fouilles des vingt dernières années, de petits chars en bronze que notre antiquaire croit analogues à ceux de Phénicie. M. Nilsson en mentionne deux les plus connus. Le premier et le plus célèbre, décrit avec beaucoup de soin en 1844 par M. Lisch[1], a été trouvé en 1843 dans le petit village de Peccatel, tout près de Schwerin en Mecklenbourg ; il a seulement neuf pouces De long, autant de large, et cinq ou six de haut. Voilà du moins pour le véhicule ; mais le vase y était joint, haut de sept à huit pouces et large de seize à l’ouverture, le tout en bronze fendu. Ces petites dimensions font penser à M. Nilsson qu’il ne s’agit que d’objets symboliques devant rappeler ceux qui étaient consacrés dans l’ancien culte asiatique. Peu de temps après, le hasard a fait découvrir un second exemplaire presque absolument semblable en Scanie, dans la ville d’Ystad ; seulement le vase que ce petit char était évidemment destiné à supporter manquait. On conserve aujourd’hui ce curieux objet d’antiquité à Stockholm, dans le musée de l’Académie de littérature, d’histoire et d’archéologie. M. Nilsson n’hésite pas à penser que ces singuliers instrumens, apportés avec le culte dont ils faisaient partie, peuvent dater de l’époque de Salomon, ou même la précéder[2], et il voit dans cette double découverte un nouveau témoignage de la présence du culte de Baal dans le Nord.

  1. Jahrbücher des Vereins für Mecklenburgische Geschichte und Alterthumskunde, tome IX, page 369.
  2. On peut lire sur ce point obscur d’archéologie un travail important de M. John-Mitchell Kemble dans le recueil de la Société des Antiquaires de Londres, in-4o, tome XXXVI. M. Kemble y fait connaître plusieurs monumens fort bizarres trouvés en terre depuis peu d’années, non-seulement dans l’Allemagne du nord, mais en Styrie et en Italie, et peut-être du même genre que les deux petits chars interprétés par M. Nilsson. Il rapporte les explications, fort émergentes qu’on en a données, mais dont aucune ne se rapproche de celle que nous venons d’exposer. Ces objets, ont été dits étrusques, slavons, vendes, Scandinaves, etc. M. Kemble ne se décide pas, et fait appel aux archéologues de France et d’Italie. Notons en passant que notre Bibliothèque impériale possède deux petits chars en terre cuite qu’on dit assyriens.