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clarer qu’elle maintient la politique nationale, la politique de M. de Cavour, la revendication de Rome proclamée capitale du royaume par le parlement, tout en se tenant obstinément à notre alliance et en nous exprimant la résolution d’attendre patiemment le jour de notre bon plaisir pour l’évacuation de Rome. Qu’aurons-nous gagné alors à la nouvelle politique ? En pratique, nous n’aurons pas fait faire un pas aux questions engagées ; nous n’aurons rien résolu, rien préparé. Nous n’aurons réussi qu’à prendre sur nous, en déviant de la tradition de 1789, toute la responsabilité du maintien indéfini de la théocratie politique en Europe.

La question romaine prendra de la sorte de plus en plus, aux yeux de tous, le caractère que nous nous sommes depuis longtemps efforces de lui restituer, le caractère d’une question essentiellement française, à la solution de laquelle sont engagés les principes, la tradition et le développement libéral de notre révolution. Dans cet ordre d’idées, nous ne regrettons pas outre mesure le petit obstacle qui est opposé en ce moment au progrès de cette question. Ce retard peut être utile à un réveil de vie politique parmi nous, à une classification sincère et naturelle des opinions au sein de la France entre le parti des continuateurs de la révolution française et le parti de la résistance et de la contre-révolution, enfin à tout ce travail d’où doit sortir un nouveau système de rapports entre l’église et l’état qui pourra contraindre les clergés catholiques à chercher dans la liberté, au lieu de la demander au pouvoir, la force de leur organisation. Le trouble que la récente évolution ministérielle a mis dans les sentimens respectifs des partisans et des adversaires du pouvoir temporel sera de courte durée. Les premiers, échappant à une éventualité qui leur paraissait imminente, jouissent de la délivrance de leurs appréhensions comme d’une victoire, les seconds éprouvent un déconcertement passager ; mais ces dispositions d’esprit changeront vite chez les uns et les autres. Le statu quo romain n’est pas une pacification parce qu’il n’est pour personne une solution. Il n’inspire ni aux partisans du pouvoir temporel la résignation aux pertes qu’ils ont subies, ni aux adversaires de la théocratie le renoncement aux espérances qu’ils ont conçues. Entre les deux partis, l’antagonisme militant ne tardera point à recommencer ; il devra surtout apparaître aux élections de l’année prochaine. Pour ce qui nous concerne, nous avons depuis longtemps montré le lien étroit qui doit exister entre la question romaine et les élections générales. Comprenant la nature des perplexités qui devaient assiéger l’empereur dans la phase actuelle de la question, nous admettions que le chef de l’état pût échapper à la nécessité de faire lui-même un choix immédiat entre les deux politiques qui s’offraient à lui, et alléger sa responsabilité en déférant la question aux collèges électoraux. Plus hardi que nous ne l’eussions exigé, l’empereur a fait son choix, et les élections ont été ajournées à leur date naturelle. Soit ; la question romaine aura eu le temps de mûrir davantage, et devra dans un an exercer une influence plus puissante encore sur le mouvement électoral.