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n’est que de quelques milliers de francs, de 2,000 à 6 ou 7,000. Après que le mérite de la locomobile eut été bien constaté par l’agriculture, les manufacturiers en réclamèrent le bénéfice pour eux-mêmes, et la locomobile pénétra dans les ateliers, où elle fut jugée d’une commodité extrême. On l’adapta d’abord à des travaux provisoires, et puis on l’a gardée à titre indéfini. Depuis l’exposition de 1855, la locomobile s’est beaucoup répandue. Elle dispense, et c’est un grand avantage, de la nécessité d’établir des chaudières et d’édifier ces cheminées plus hautes que les plus grands obélisques, puisqu’elle porte tout avec elle-même. Elle n’exige pas non plus les murs de séparation que réclament les chaudières des machines fixes. Par la locomobile, la vapeur se vulgarise et devient une sorte de serviteur familier que le petit industriel pourra employer chez lui, s’il a son atelier au rez-de-chaussée, ou sur voûte à un premier étage et même plus haut.

La machine à gaz, qui n’en est encore qu’à ses débuts, va en ce genre plus loin que la machine locomobile à vapeur. On peut l’asseoir sur un plancher et la transporter ainsi à un cinquième étage. Elle a l’inconvénient d’être assez coûteuse, non de premier achat, mais pour son alimentation, à cause de la valeur du gaz qu’elle consomme. En revanche, elle travaille à point nommé, s’arrête quand on le veut, et reprend de même à volonté. dès qu’elle est arrêtée, la consommation du gaz cesse. C’est le moteur de la toute petite industrie, de l’ouvrier en chambre qui travaille avec sa femme et ses enfans, ou bien avec un apprenti ou deux.

La machine à vapeur destinée à la navigation a accompli, dans ces dernières années, de plus grands progrès encore que la machine fixe employée dans les usines. On en a porté la puissance au plus haut point, sans en accroître en proportion le poids et surtout le volume. C’est que les constructeurs ont imaginé des combinaisons nouvelles, c’est surtout que la méthode de construction a été transformée par l’introduction d’instrumens d’une précision extrême et d’une force illimitée dont il sera question dans un instant, les machines-outils,

Dans ces derniers temps, l’emploi de la vapeur dans la navigation marchande s’est fort étendu. On fait des bâtimens mixtes, c’est-à-dire se servant concurremment de la voile et de la vapeur. En Angleterre, beaucoup de navires charbonniers, qui ne portent cependant qu’un chargement de peu de valeur, sont construits dans ce système. La marine marchande de l’Angleterre compte aujourd’hui 2,000 navires à vapeur, jaugeant ensemble 460,000 tonnes[1].

  1. C’est-à-dire à peu près les deux tiers de l’effectif de la marine marchande de la France, tant à voiles qu’à vapeur, en ne comptant que les bâtimens au-dessus de 100 tonneaux.