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entrer la France dans d’autres voies; à Vienne, un jeune empereur avait tout à coup remplacé un vieux monarque débonnaire, qui se croyait lié par ses engagemens constitutionnels envers les Magyars, et François-Joseph commença son règne en effaçant jusqu’au dernier simulacre d’une constituante autrichienne à Kremsier; l’expédition de Rome était imminente, et déjà on parlait de l’intervention du tsar Nicolas en Hongrie. Quant au roi Frédéric-Guillaume IV, bien des circonstances étaient venues refroidir son zèle, et la situation générale de l’Europe était faite pour intimider un monarque bien autrement résolu que lui. Il avait du reste fait, lui aussi, son coup d’état et dispersé la constituante de Berlin, et quoiqu’il eût octroyé de sa propre volonté et par la grâce de Dieu, qui lui tenait tant à cœur, une constitution des plus libérales, et, ce qui plus est, mis loyalement son œuvre à exécution en convoquant des chambres nouvelles, on n’en voyait pas moins se tenir à côté du trône la figure blême de M. de Manteuffel, « l’homme d’avant le déluge, » comme l’avait appelé M. de Vincke, l’homme aux instincts de bureaucrate, qui n’avait en lui certes rien du révolutionnaire, hélas ! rien même du romantique.

L’issue ne laissa pourtant pas d’être douteuse pendant un moment, et le mois d’avril 1849 entretint les esprits en Allemagne dans une tension extrême. Le roi de Prusse avait eu beau ne donner qu’une réponse évasive à la députation solennelle qui venait lui apporter le pouvoir impérial, l’agitation en faveur de l’œuvre de Francfort croissait de jour en jour. A Dresde, à Carlsruhe, à Munich même, les chambres se prononçaient pour l’hégémonie de la Prusse, et forçaient leurs souverains respectifs de reconnaître le nouvel empereur. La crise fut plus sérieuse dans le Wurtemberg. Là un monarque vieilli sur le trône, et certes un des plus libéraux de l’Allemagne, mais qui frémissait à l’idée qu’un « Wittelsbach » ou un « Zähringen » dut devenir le vassal d’un Hohenzollern, opposait une résistance désespérée à l’adresse impérieuse et menaçante de ses chambres. « Je ne me soumets pas, — dit-il à la députation des représentans, — je ne me soumets pas à la maison de Hohenzollern, je dois à mon pays de ne pas m’y soumettre, je le dois à mon peuple et à moi-même... Ce n’est pas pour moi que je parle de la sorte, je n’ai plus que bien peu d’années à vivre; la conduite que je tiens, c’est mon pays, c’est ma maison, c’est ma famille qui m’en font un devoir. » Il y eut même un moment où le vieux Guillaume s’enfuit de Stuttgart et se réfugia dans la forteresse de Ludwigsbourg; mais bientôt une proclamation en date du 25 avril 1849 annonça au pays que le roi, d’accord avec ses ministres, se soumettait au vote des législateurs de Saint-Paul. Telle fut la disposition des esprits dans les royaumes et les états secondaires; quant à la