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forte raison pour irriguer, ou dessécher, ou drainer de concertée grandes superficies. La fruitière du Jura est un mode d’association restreinte qui est très profitable à l’agriculture.


IX. — MESURES A PRENDRE DANS LE SENS DE LA LIBERTE DU COMMERCE.

Depuis la dernière exposition, un événement a éclaté qui doit exercer sur la production générale de la richesse dans le monde, et sur l’industrie de chaque peuple en particulier, une influence considérable. Il y a vingt-cinq ans, le principe de la liberté du commerce était encore relégué dans les livres, quoiqu’il eût compté parmi ses adhérens des hommes d’état justement renommés, Turgot en France, Pitt en Angleterre et le comte Mollien, ministre du trésor sous le premier empire. Il semblait jusqu’en 1837 que ce fût une sorte de thème destiné à exercer l’esprit des théoriciens, en leur fournissant l’occasion de dissertations subtiles. Tel était l’état des choses lorsque cette grande cause fut prise en main de l’autre côté du détroit par une pléiade d’hommes alors obscurs, qui résolurent de faire enfin passer le principe dans l’administration des états. Ils se constituèrent à Manchester sous le nom de ligue pour la réforme des lois sur les céréales, prenant ainsi occasion du plus manifeste des abus auxquels avait donné lieu en Angleterre l’application du principe opposé, qu’on appelait de la protection. Protection de qui ? Apparemment ce n’était pas de l’intérêt public, qui était atteint visiblement par toutes ces restrictions au commerce et à la production ; mais c’était le mot consacré, et devant ce mot, que soutenaient avec une ardeur agressive un certain nombre d’intérêts, les gouvernemens s’inclinaient. La campagne qu’avaient entreprise ces hommes généreux dura plusieurs années. Elle fut conduite avec le plus noble dévouement, l’activité la plus infatigable et un talent qui, chez eux, était à la hauteur de leur patriotisme. Ils répandirent ainsi leur conviction dans le pays, et au mois de février 1846 un grand ministre, qui a tiré de là le plus beau fleuron de sa renommée, sir Robert Peel, vint au parlement se déclarer converti au principe qu’avaient si bien fait valoir M. Cobden, M. Bright et leurs amis, et il l’arbora courageusement en face de son propre parti. La majorité du parlement lui donna raison, et depuis ce temps le principe de la liberté commerciale a été une des maximes fondamentales du gouvernement dans la Grande-Bretagne.

L’Europe continentale, étonnée de ce spectacle, restait cependant sous le joug du système protectioniste, tant étaient puissans les intérêts particuliers coalisés sous cette bannière, lorsqu’à la fin de 1859 l’empereur Napoléon III négocia avec le gouvernement britannique le traité de commerce qui fut signé le 23 janvier 1860. Le