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la communication entre l’Ancien et le Nouveau-Monde est enfin établie.

Si l’Amérique était perdue et qu’un autre Christophe Colomb vînt à la découvrir une seconde fois, il n’y aurait pas peut-être une émotion plus vive que celle produite des deux côtés de l’Atlantique par l’heureuse immersion du câble qui les réunissait. En Europe, l’enthousiasme fut contenu par les doutes que quelques savans honorables avaient émis et conservaient jusqu’à plus ample informé sur la réalité du succès; mais aux États-Unis il n’eut pas de bornes. Des illuminations, des promenades aux flambeaux, fêtèrent ce grand événement, et, dans un excès d’allégresse, les habitans de New-York incendièrent leur hôtel de ville.

Les transmissions opérées entre les deux navires pendant la pose étaient élémentaires, et constataient seulement que la communication n’était pas interrompue. Par période de dix minutes, chaque navire envoyait d’abord cinq courans inverses d’une durée d’une minute chacun, puis un courant d’une durée de cinq minutes. Le professeur Thompson était à bord de l’Agamemnon et y dirigeait les opérations électriques. Une première fois il crut que le conducteur était rompu au fond de la mer, car il ne recevait plus rien du Niagara et déjà il songeait à couper le câble pour abandonner l’entreprise; heureusement, au bout d’une heure et demie, les signaux reparurent. M. Thompson suppose, pour expliquer ce fait, que le fil de cuivre s’était rompu pendant la descente, et qu’au moment où le câble se retrouvait en repos sur le sol de la mer, les deux extrémités s’étaient rapprochées au contact. A environ 700 kilomètres de l’Irlande, un défaut d’une nature opposée se produisit; le courant de départ était plus intense que de coutume et le courant d’arrivée était au contraire plus faible, ce qui indiquait que l’électricité se perdait en un certain point du câble immergé. M. Thompson remarqua encore, et cette remarque s’est reproduite depuis dans toutes les poses de longs câbles, que l’isolement du conducteur s’améliorait de plus en plus à mesure que des quantités plus longues étaient immergées, ce qui tient à la température très froide des eaux profondes.

Les extrémités avaient été amenées à terre, l’une à Valentia, l’autre à Terre-Neuve, le jeudi 5 août; les gros câbles qui devaient être posés sur le rivage n’étaient pas prêts, paraît-il, tant on doutait d’une heureuse issue, et l’on dut faire les atterrissemens avec le câble des grandes profondeurs. Cependant quelques signaux étaient reçus de Terre-Neuve, mais très faibles, presque inintelligibles. Le 10 août 1859, Terre-Neuve fit usage d’un violent courant d’induction et transmit quelques mots : Please repeat power, les premiers qui