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sur des questions de portefeuille ; qu’ils se souviennent que les gouvernemens parlementaires vivent de la ventilation continuelle des idées et de fréquens déménagemens dans les hôtels garnis du pouvoir.

Nous n’allons pas tarder à voir si les principes du régime représentatif seront mieux compris en Prusse que par le passé. Le langage honnête et attristé, mais obstiné, du roi Guillaume ne permet pas d’espérer que le conflit engagé entre ce prince et sa chambre élective se termine par une concession royale. La chambre sera-t-elle plus accommodante ? L’étonnement qu’inspire cette lutte intempestive augmente encore quand on voit avec quel bon sens le gouvernement autrichien a su conduire ses affaires dans le reichsrath. La session de cette assemblée sera close dans les premiers jours du mois de décembre. La facilité avec laquelle le gouvernement a consenti aux économies qui lui étaient demandées par la seconde chambre paraît avoir produit en Autriche la meilleure impression. Les dissentimens qui avaient séparé maintes fois le ministère et la majorité ont cessé. L’entente est parfaite, et les Autrichiens, pleins de bonne volonté, croient pouvoir se rendre ce témoignage, que le régime constitutionnel a définitivement réussi chez eux, que la constitution de février a pris racine dans les âmes, et que l’œuvre accomplie par le développement d’une vie politique libérale en Autriche est assez forte pour pouvoir défier les tentatives de l’esprit de réaction. On attend maintenant l’ouverture des diètes provinciales, et l’on pense que les fédéralistes y feront un dernier, mais impuissant effort contre l’unité de l’empire. Chose curieuse, sur les bords du Danube comme sur ceux du Potomac, le génie unitaire des grandes agrégations politiques est aux prises avec l’esprit de séparation. Il faut féliciter du moins le gouvernement autrichien d’avoir enfin compris que le ciment le plus puissant de l’unité est non la force, mais la liberté.

e. forcade.

À M. LE DIRECTEUR DE LA REVUE DES DEUX MONDES.

Dans la partie historique et dans la conclusion de l’étude que je vous ai adressée sur la campagne de Cochinchine en 1861 et que la Revue a publiée le 15 novembre dernier, il s’est glissé une expression qu’on pourrait mal interpréter. La reprise de Saigon dont il a été parlé ne doit être entendue que comme une réoccupation devant l’ennemi ; autrement on pourrait croire que le territoire de Saigon fut entièrement évacué après la destruction de la forteresse par le vice-amiral Rigault de Genouilly en mars 1859, et qu’il fallut une nouvelle expédition pour reprendre ce territoire. Après le brillant fait d’armes qui enleva cette importante position, l’occupation dut être restreinte à un seul point par suite de l’insuffisance des forces dont disposait le commandant en chef, l’amiral Rigault, obligé de se concentrer à Touranne. Dès lors cependant le drapeau français était définitivement planté dans la Basse-Cochinchine. Lorsque plus tard, en décembre 1859, l’évacuation de Touranne permit à l’amiral Page, qui succédait à l’amiral Rigault, de disposer de forces plus considérables, cet officier-général réoc-