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Banque d’Angleterre, par un des chefs du Bullion office M. A. Johnson, qui, à un esprit distingué, ajoute des connaissances très étendues sur le commerce de l’or et l’économie politique. Nous nous dirigeâmes vers Wood-street à travers un labyrinthe de rues encombrées de camions, de déchargemens et de marchandises que soulevaient des chaînes de fer. Au-dessus de nos têtes, il y avait toutefois des nuées de pigeons qui volaient bravement dans la fumée, attendant sans doute que l’heure des affaires fût écoulée pour descendre à terre et becqueter entre les pavés les grains d’avoine répandus çà et là par les chevaux. Cet éclair de nature, si l’on peut l’appeler ainsi, se dissipa bientôt, et nous nous trouvâmes dans Wood-street, une rue toute dévouée au commerce, mais au coin de laquelle s’élève pourtant, du côté de Cheapside, un grand arbre qui ombrage avec un air de défi une cour froide et nue, autrefois un cimetière. Il s’est trouvé des antiquaires pour compter le nombre de ces arbres, véritables prodiges, qui ont survécu on ne sait comment dans la Cité de Londres au déluge de la population, à la vapeur fuligineuse des fabriques et à l’invasion des ouvrages de maçonnerie se disputant entre eux le moindre pouce de terrain. Nous entrâmes par une grande porte où l’on n’aperçoit aucun nom écrit, aucune enseigne, et nous parvînmes dans une cour au centre de laquelle se dresse, sur quelques marches de pierre, une pompe qui ressemble à un lampadaire de gaz. Là, nous avions devant les yeux trois ailes de bâtiment, à gauche une maison bourgeoise, en face une construction qui rappelait assez bien une chapelle de méthodistes, et sur laquelle était écrit : « On n’entre pas (no admittance) ; » puis à droite s’étendaient les bureaux (counting-house). C’est par la porte des bureaux que nous pénétrâmes dans l’intérieur de ce que les Anglais nomment premisses (local d’une personne ou d’une fabrique).

La counting-house (littéralement : maison où se tiennent les comptes) est une grande et vieille salle paisiblement éclairée, avec des estrades de bois, des tables et des espèces de comptoirs aux formes arrondies et ventrues, derrière lesquels se tiennent des commis. Ce qui frappe le plus en entrant est le nombre des balances ; il y en a de toutes les grandeurs et de toutes les puissances, car dès qu’on touche à l’or et à l’argent il faut des instrumens de précision qui poussent l’exactitude jusqu’au scrupule. Dans cette même salle, il y a souvent des nuggets ou des lingots jetés çà et là sur le plancher avec un air de profusion et de négligence. Le maître raffineur (master refiner), un gentleman très aimable et très intelligent, voulut bien me conduire et m’initier aux secrets de la fabrique. Des bureaux (counting-house), nous passâmes dans un endroit qu’on appelle safe ou trésorerie. C’est une sorte de voûte dans laquelle on