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cideront de ce qui sera fait. Dès les premières pages du volume de M. George Fisch, je rencontre des lignes qui ont de quoi faire réfléchir. « Le nord, en entamant sa lutte terrible contre les esclavagistes, comptait sur l’appui moral de la France et de l’Angleterre avec une candeur de confiance dont nous devons lui savoir gré. Au sud, qui s’écriait : « Le coton pèsera plus que les principes ! » il répondait invariablement : « Vous verrez que les principes seront plus forts que le coton. » Quant à lui, l’auteur des États-Unis en 1861 n’hésite pas dans son jugement. Tout en appréciant avec charité les hommes du sud, et tout en ayant l’air de croire que les fédéraux, après avoir rétabli le drapeau de l’Union dans les états intermédiaires, pourraient bien laisser le sud se constituer à sa guise, il est décidément convaincu que l’esclavage a été la vraie cause de la guerre. Et à ce propos, dans son excellent résumé du passé de la question, il nous fournit un ou deux renseignemens peu connus. Parlant du parti Calhoun, de cette société de Jésus de l’Amérique qui s’organisa tout à coup au moment où le sud était disposé à abandonner de lui-même l’esclavage, et qui dès le principe s’était positivement proposé d’exploiter l’Union au profit de l’institution particulière, ou de briser l’Union, si elle cessait de s’y prêter, — M. Fisch mentionne un roman, intitulé le Chef des Partisans, qui parut et fut saisi sous la présidence de Jackson, roman publié sous l’antidate de 1861, et où se trouvait le programme exact de la conspiration séparatiste telle qu’elle a en effet éclaté vers l’époque prévue. Que ce soit bien la haine et la crainte de l’abolitionisme qui a poussé le sud à se séparer, les faits, à notre avis, ne permettent pas d’en douter. Si l’on ne peut pas dire peut-être que le nord se batte uniquement contre l’esclavage, puisqu’il eût pu au moins dès le premier jour s’en rendre les mains nettes en acceptant la sécession, — il est certain, en tout cas, que les confédérés n’ont tiré l’épée que pour le soutenir, et que se déclarer pour eux, ce serait se déclarer pour les champions de l’esclavage. Cela doit nous suffire, ce semble. Les dangers que les libertés de l’Amérique peuvent courir par suite de l’animosité des combattans ne nous regardent pas : ce qui nous regarde, c’est de ne pas donner notre voix à une cause que nous réprouvons.

Le livre de M. Fisch ne touche pas d’ailleurs seulement à ce qu’on peut appeler la question du moment aux États-Unis : en peu de pages, il nous donne une idée vive et nette de l’organisation ecclésiastique et de l’instruction publique, ou plutôt des mœurs et des idées américaines en matière d’éducation. M. Fisch a foi aux États-Unis. Sans se déguiser les graves défauts du caractère national, l’orgueil, la soif du gain, la mobilité et je ne sais quoi d’effréné, il croit que l’Amérique mènera à bonne fin le nouveau type de société qu’elle a commencé à révéler au monde, et il le croit surtout parce qu’au cœur de cette démocratie, en apparence dégagée de tout frein, il aperçoit une conviction religieuse assez puissante et assez saine pour triompher des maladies que peut enfanter la liberté. Plus d’un