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distilleries agricoles étaient commandées ou en projet, l’exposition internationale de Kensington devint l’occasion d’une annonce qui causa une vive émotion parmi les distillateurs établis ou sur le point de réaliser leurs projets d’installation. On vit d’abord, dans une des vitrines de l’exposition française des produits chimiques, un flacon mis en évidence et contenant 1 litre d’alcool pur obtenu du gaz hydrogène bicarboné. Le fait en lui-même n’était pas scientifiquement nouveau. Consigné dans un brevet obtenu en 1854 par M. Castex, démontré parmi les élégantes synthèses chimiques de M. Berthelot, ce pouvait n’être autre chose que la réalisation dans des proportions inaccoutumées d’une expérience de laboratoire ; mais alors quelle en était l’utilité dans une exposition des produits de l’industrie manufacturière ? Personne en effet n’en comprit la signification, lorsque parut l’annonce d’une installation prochaine en grand de la fabrication de l’alcool au moyen du gaz de l’éclairage, fabrication tellement simple et économique, disait-on, que dans un appareil d’essai la houille brute enfournée à l’un des bouts donnait à l’autre extrémité de l’alcool limpide et pur dont le prix coûtant ne dépassait pas 25 francs l’hectolitre, c’est-à-dire la moitié du prix de revient dans les distilleries en activité : on montrait bien d’un côté la houille et de l’autre l’alcool pur ; mais du modus faciendi point n’était question encore. Cependant l’émotion dut se calmer en quelques semaines, lorsque peu à peu l’on apprit que l’alcool n’était obtenu directement de la distillation du charbon de terre qu’à l’état infect, qu’il était très difficile et dispendieux de le purifier, en un mot qu’on se le procurait dans des conditions qui n’étaient aucunement économiques ni manufacturières, qu’enfin le litre d’alcool pur exposé parmi les spécimens de nos industries chimiques avait été préparé non avec le gaz de l’éclairage, mais en employant de l’hydrogène bicarboné, obtenu lui-même par la décomposition de l’alcool sous l’influence de l’acide sulfurique, et en subissant pour sa transformation nouvelle une telle déperdition, accompagnée d’une si grande dépense, que ce précieux litre d’alcool devait coûter au producteur environ 1,000 francs ! Une pareille concurrence n’était donc guère redoutable, si elle ne pouvait présenter autre chose que ce très dispendieux échantillon de laboratoire, qu’aucun professeur ne serait tenté d’acquérir, surtout au prix coûtant.

Les industries saccharines, plus importantes que les distilleries agricoles au point de vue des capitaux engagés et de la valeur des produits obtenus, étaient largement représentées à l’exposition internationale par de nombreux et remarquables spécimens de sucres bruts et raffinés. C’était encore ici l’application de la mécanique et de la chimie à l’agriculture qui méritait de fixer l’attention de