Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

terminée, on daignerait les informer du résultat, en les invitant à s’incliner devant le fait accompli. Puisse cette île intéressante ne jamais subir une telle destinée ! » M. Symington est, comme on voit, un fin politique, fort au courant des intentions secrètes et des procédés à suivre. Ses craintes patriotiques ont attristé son voyage ; on le voit à sa narration, qui s’en ressent. — Chose curieuse, M. Forbes est obsédé de la même préoccupation. Il décèle, lui aussi, les sourdes menées du gouvernement français pour se créer, par les stations de Terre-Neuve et d’Islande, « une réserve de marins exercés telle qu’aucun pays n’en aura jamais possédé de pareille. » Tandis que le Moniteur de la Flotte enregistre seulement 14,929 marins français employés aux pêcheries, il sait, par des informations sûres, que nous avons 20,000 hommes à Terre-Neuve et 7,000 sur les côtes d’Islande ; il considère en même temps l’accroissement de notre matériel maritime, et il déclare qu’un coup imprévu frappé par la marine française peut anéantir la puissance de l’Angleterre et jeter dans Londres une armée de zouaves capables de donner fort à faire aux volontaires de Wimbledon.

La Suède et la Norvège ne sont pas moins parcourues ni moins étudiées par les touristes anglais. À M. Bavard Taylor, qui s’est fait connaître il y a quelques années comme voyageur intrépide et narrateur agréable, a succédé en 1862 M. Horace Marryat, qui vient de publier deux volumes fort intéressans[1]. M. Marryat y paraît en vrai touriste, mais intelligent et instruit. Nulle préoccupation particulière ; tout ce qui est vraiment digne d’intérêt fait partie de son domaine : il évoque les souvenirs historiques et les traditions populaires, étudie les musées et les bibliothèques, interroge en passant les archives et visite les universités. L’archéologie Scandinave a pour lui des charmes, et il recueille volontiers les spécimens des âges de pierre et de bronze qui ont précédé dans le Nord la civilisation chrétienne ; enfin ce n’est pas la moins attachante partie de son livre que son excursion dans l’île de Gothland. Wisby, capitale de cette île, a été jadis le centre d’un commerce considérable qui s’étendait depuis les extrémités septentrionales de la Norvège jusqu’au fond de l’Orient ; la prospérité de ce commerce avait accumulé dans cette ville de grandes richesses, et elle est attestée aujourd’hui encore par les magnifiques restes d’une architecture considérable. Si les voies du commerce général ont profondément changé, la situation du port de Wisby au milieu de la mer Baltique n’en est pas moins restée extrêmement favorable pour le commerce du Nord, et plus d’une fois

  1. One year in Sweden… (Une Année en Suède avec une visite à l’ile Gothland), par Horace Marryat ; Londres 1862, 2 vol. in 8°, avec cartes et illustrations. — A Résidence in Jutland… (Une Résidence en Jutland, dans les îles danoises et à Copenhague), par Horace Marryat ; Londres 1860, 2 vol. in-8o, avec cartes et illustrations.