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Soit ! tu me comprendras mieux, et peut-être que le dieu m’entendra… O Mercure, protecteur des amans que le destin sépare ! toi qui sers, dit-on, de messager aux dieux, instruis-moi dans l’art de surmonter les obstacles ! Je ne suis qu’une fille des champs, j’ignore l’art de me rendre aimable, et je ne suis pas encore dans l’âge où l’on ose demander à Cypris et aux Grâces le secret de triompher d’un cœur rebelle.

MERCURE.

Quel est donc ce rebelle ? Est-il né sous les glaces de l’Ourse ou dans l’antre de Polyphème, pour méconnaître tant de charmes ?

MYRTO.

Mercure est le dieu de l’éloquence trompeuse ; ne parle pas comme lui ! Donne-moi seulement le moyen de désarmer la destinée ! Celui que j’aime… tiens, le voilà ! (Bactis passe au fond portant une gerbe.)

MERCURE.

Qu’ai-je vu ? un esclave ?

MYRTO.

(Bactis s’arrête au moment de disparapitre : masqué par quelques arbustes, il écoute.)

Le captif que j’ai cru détester d’abord, parce qu’il évitait mon regard et semblait rougir de colère quand j’avais surpris le sien ; oui ! un esclave que j’aurais voulu soumettre et qui bravait mes menaces, un jeune sage qui me dédaigne ou se méfie… ou plutôt… Non ! c’est un dieu condamné comme Apollon à garder les troupeaux, c’est quelque jeune et brillant immortel plié sous la chaîne de la servitude ?

MERCURE.

Jeune fille, crois à l’amour et ne perds pas l’espérance. Regarde ce vieillard endormi !

MYRTO, apercevant Plutus.

Ah ! cet homme si laid ?

MERCURE.

Ce jeune captif que tu aimes est un simple mortel, et ce triste vieillard est un dieu.

MYRTO.

Je ne te comprends pas.

MERCURE.

Tu me comprendras plus tard, quand tu verras que ce dieu-là peut tout. Prends soin de te le rendre favorable. Je le laisse à ta garde, car il est aveugle. Dès qu’il sera éveillé, conduis-le dans la maison d’un certain Chrémyle.

MYRTO.

Chrémyle ? C’est mon père, et sa maison est là tout près.

MERCURE.

Alors ma commission est faite, et je peux m’en aller à mes affaires. Dis à ton père que ce vieillard est l’hôte annoncé par Apollon et que Jupiter lui envoie. Hâtez-vous tous de mettre ses dons à profit, car je reviendrai bientôt le chercher.