Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ultras, mais s’était ensuite détournée de leur programme excessif pour se constituer en un groupe à part. Les partisans sincères du régime représentatif, tels que MM. de Vincke, Camphausen, ne formèrent plus qu’un brillant état-major sans armée, et ne purent qu’apporter leur contingent de temps à autre aux forces commandées par M. de Bethmann-Hollweg, ou les entraîner avec soi dans des occasions bien plus rares encore.

Si blâmable à coup sûr, si peu politique que pourrait paraître en théorie la conduite des progressistes, on ne saurait cependant nier qu’au point de vue pratique leur abstention n’ait eu d’heureux effets, n’ait sauvé l’existence, nominale du moins, du système représentatif. Il n’est pas douteux que la participation des fractions avancées aux luttes parlementaires de 1850-1858 aurait amené une nouvelle catastrophe ; une plus forte pression sur la détente aurait fait éclater la machine : la crise actuelle, à laquelle a si puissamment contribué le triomphe des progressistes dans les élections de 1862, ne le prouve que trop. Tel qu’il était alors, le régime constitutionnel parut assez peu gênant et même assez maniable pour qu’on lui épargnât le coup de grâce ou le coup d’état, et pour qu’on s’évitât à soi-même le désagrément du parjure. On. laissa subsister ce corps législatif précisément parce qu’il n’était qu’une ombre. Déjà au commencement de 1852 M. de Manteuffel faisait au parlement la caractéristique déclaration que, « tandis que partout ailleurs, à droite et à gauche, les chartes écloses au milieu de l’agitation révolutionnaire étaient violemment rejetées par-dessus le bord, la Prusse avait encore heureusement assez de santé et de vigueur pour repousser d’elle-même tout ce qui dans la constitution est nuisible à son organisme. » Peu à peu les hommes du gouvernement en étaient venus en effet à la conviction que les chambres, dans les conditions qui leur avaient été faites, présentaient une utile « institution de crédit, » un « établissement d’assurances » bon à conserver au prix même de quelques discours d’opposition qu’on appelait dédaigneusement des « monologues oratoires, » et avec la réserve expresse de « nullifier (nullificiren) les lois désobligeantes, » selon le mot heureux de M. de Gerlach. On ne saurait trop méditer cette étrange circonstance : c’est grâce surtout à l’abstention des constitutionnels que la constitution prussienne a pu exister de nom sous Frédéric-Guillaume IV et revivre de fait sous Guillaume Ier, comme c’est grâce aussi à leur intervention qu’elle est de nouveau mise en péril de nos jours. Contrairement au préjugé général, la république n’est parfois possible qu’en l’absence des républicains.

C’est au milieu de ces sourds débats entre, les « oligarques d’un arpent » et les défenseurs d’une « vieille Prusse » étayée d’une nouvelle