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CHRÉMYLE.

Par Minerve ! toute méchante que tu es, tu dis des choses vraies. Il n’en est pas moins certain que tous les hommes te fuient.

LA PAUVRETÉ.

Parce que je les rends meilleurs. Est-ce que les enfans ne fuient pas les salutaires leçons de leurs parens ? est-ce que les humains connaissent aisément ce qui leur conviendrait le mieux ?

CHRÉMYLE.

Que Jupiter et tous les dieux réunis confondent ton bavardage incommode ! Tiens, en voilà assez ! va te faire pendre et ne me dis plus rien ; car tu auras beau chercher à me persuader, tu n’y réussira jamais ! Tais-toi et va-t’en !

LA PAUVRETÉ.

Un temps viendra où vous me rappellerez !

CHRÉMYLE.

Alors tu reviendras ; mais pour le moment je veux être riche et faire bonne chère avec ma famille. Je veux me baigner, me parfumer, oublier mes peines et me moquer de toi ! (La pauvreté disparaît.) — (A Carion.) Allons vite trouver Esculape ! Entrons à la maison pour prendre des couvertures, des offrandes, et tout ce qu’il faut. Nous remettrons à demain nos convives, et chacun passera la nuit dans l’attente du bonheur.

CARION.

Allons, Plutus, en route ! Par Mercure, il dort tout debout !

CHRÉMYLE.

Fais-le marcher ; tire, pousse, allons ! (Ils sortent.)


SCÈNE VIII.
BACTIS, MYRTO.


MYRTO.

N’allons-nous pas avec eux ?

BACTIS.

Ne nous inquiéterons-nous pas plutôt d’apaiser et d’honorer la Pauvreté, qui vient d’être si mal reçue ?

MYRTO.

Oui, la prudence le conseille ; mais… où aura-t-elle passé ?

BACTIS, montrant le bois sacré.

Elle est rentrée là, elle va en sortir, et nous la reconduirons avec respect jusqu’à la dernière borne de vos champs.

MYRTO.

Mais… si elle est sortie par l’autre porte du bois sacré ?

BACTIS.

Non ; le chemin est coupé par une saignée qu’on y a faite hier, et qui n’est pas encore recouverte.