Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/345

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

système financier de la monarchie et de n’être plus maîtresse d’elle-même. On ne peut, en douter quand on lit dans les conclusions des syndics le passage suivant, qui, relégué à la fin de leur rapport et présenté sans développemens, contenait cependant le motif principal du refus : « Il est de la nature d’un tarif de changer d’un moment à l’autre, de varier suivant la politique des princes, ce qui substituerait à une législation simple, immuable, à l’abri des changemens et des vexations, une législation qui n’aurait pas les mêmes caractères, et qui livrerait tôt ou tard les habitans de ces provinces à l’arbitraire le plus inquiétant et le plus inévitable. » Probablement les idées auraient changé avec le temps, si la Lorraine avait vu durer le gouvernement libre qui succédait au bon plaisir monarchique ; pour le moment, l’exemple du passé ne justifiait que trop sa défiance. On y jouissait d’une aisance très supérieure à celle des provinces plus anciennement réunies ; la modicité des impôts y avait produit un bon marché général. La livre de Lorraine n’était que les trois quarts de la livre de France, et une différence analogue se retrouvait dans le prix de toutes choses.

L’extrême division des propriétés commençait adonner des embarras, et on avait songé aux remèdes qui pouvaient apporter au mal quelque adoucissement. Le rapport sur cette question fut encore fait par le baron de Fisson. « Le cultivateur qui possède vingt jours de terre dans une saison est souvent obligé de conduire à trente endroits différens s’a charrue et de parcourir tout un canton. De cette division résulte, outre la perte de temps, celle du terrain et de la semence qui tombe et qui pourrit dans les raies séparatrices de ces propriétés morcelées. La facilité des anticipations de la part de tant de voisins donne lieu à une infinité de procès. De là aussi la difficulté de clore. Il s’agirait de remédier à cette division par des échanges. Ne serait-il pas nécessaire que l’assemblée sollicitât des bontés du roi que tous échanges qui auraient lieu pendant l’espace de dix ans, et qui se feraient dans la vue d’opérer des réunions d’héritages, pussent s’exécuter sans autres frais que ceux des contrats authentiques, lesquels ne paieraient que le droit le plus modique pour le contrôle ? » Le baron de Fisson indiquait encore quelques précautions à prendre dans les successions, sans toucher au principe de l’égalité des partages, consacré par la coutume de la province. « La coutume veut, dit-il, que l’aîné dresse les lots et que le plus jeune choisisse, et ainsi des autres successivement, sans distinction de sexe. Quelque égalité que l’aîné se soit appliqué à mettre dans les lots, il ne peut manquer d’être lésé par cette forme : c’est toujours le moins bon qui lui reste. Pour se garantir de tout dommage et s’assurer d’une parfaite égalité, les aînés ont coutume,