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une rose et des fraises avec cette devise : Si dans un an… Le médaillon, de l’autre côté, comprend, outre divers enjolivemens, une femme donnant le sein à un petit enfant, et une petite fille qui la tient par la jupe. Autour on lit : O mes enfans, serais-je votre mère, si, pouvant vous nourrir de mon lait, je ne le faisais pas ! »

L’éducation de ses enfans encore au berceau le préoccupait beaucoup, et, prévoyant qu’il ne serait plus là pour la diriger, il faisait à ce sujet à sa femme les recommandations les plus expresses et les plus détaillées. Son système était celui de Rousseau. « Résisté avec courage, disait-il, à tous les abus consacré par l’usage et le préjugé en matière d’éducation… Fais en sorte que l’éducation de Pauline ne soit pas gâtée dès son commencement. Qu’on n’accorde rien à ses caprices, mais qu’on ne l’aigrisse pas par des refus hors de saison ; qu’on ne la confie à aucune personne acariâtre, colère, brutale… Que l’on se souvienne surtout qu’il s’agit moins de former notre enfant que de l’empêcher de se détériorer. La nature, la nature, rien que la nature !… »

Le Bon pensait beaucoup aussi à son vieux père, réduit à un si douloureux isolement. Il le recommandait sans cesse à sa femme. « Soutiens-le, dit-il, dans cette crise à laquelle il était moins préparé que tout autre. Dis-lui que je me souviens encore de ses exemples et de ses leçons, que dans l’ancien régime il a mieux aimé se ruiner et risquer sa vie que de manquer à la probité, et que dans le nouveau mille persécutions et mille supplices ne me détermineront pas à devenir lâche et fripon, que j’ai juré de mourir pour la cause de l’égalité, et que cette mort, si elle m’est destinée, est la plus glorieuse que l’homme puisse désirer. » — « Maintiens également le courage de ceux de nos parens qui ont été frappés de nos revers, et qui, ignorant les vicissitudes inséparables des révolutions et leurs causes, s’abattent à la vue des périls et de quelques malheurs particuliers. »

Dans les loisirs de sa longue captivité, Le Bon cherchait à soutenir son courage en relisant les écrivains dont l’étude avait formé ses opinions. Rousseau, Mably lui faisaient passer, dit-il, des momens délicieux. Il cite un passage de Rousseau qui prétend que, si la voix de la nature est le meilleur conseil que doive écouter un bon père de famille, elle n’est, pour le magistrat, qu’un faux guide qui travaille sans cesse à l’écarter de ses devoirs, que, pour bien faire, le premier n’a qu’à consulter son cœur, et que l’autre devient un traitre au moment où il consulte le sien, que sa raison même doit lui être suspecte, et qu’il ne doit suivre d’autre règle que la raison publique, qui est la loi. Le Bon ajoute que de pareils conseils exigent trop de sacrifices pour être du goût de bien des gens, mais qu’il les croit justes et fondés, et qu’ils expliquent sa conduite et ses sentimens. Cette réflexion n’explique-t-elle pas l’influence funeste que