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qu’on appelle l’énergie de 1793 a été utile au pays, que si les hommes de cette époque étaient de grands coupables, ils se recommandaient non-seulement par un rare courage, mais par de puissantes facultés, enfin que l’esprit de parti les a calomniés à certains égards, et que, dans l’intérêt même des principes nouveaux qu’ils ont contribué à faire triompher, il faut défendre leur mémoire. Non, cela n’est pas vrai. La calomnie était impossible contre de tels scélérats, en ce sens du moins que les crimes imaginaires qu’on a pu leur prêter ajoutent bien peu de chose à l’énormité de leurs crimes réels. Ce n’est pas à eux que l’on doit ce qu’il est permis d’appeler les bienfaits de la révolution ; ils sont dus à l’assemblée constituante, qui malheureusement les avait déjà compromis par d’innombrables erreurs, et la convention, loin de compléter l’œuvre de cette grande assemblée, l’avait tellement détruite que son plus grand, son seul mérite est d’en avoir rétabli une partie avant de se séparer. Dût-on attribuer aux terroristes une part dans les victoires par lesquelles la France fût alors préservée de l’invasion étrangère, ce qui peut être contesté, il ne faut pas oublier qu’ils n’auraient fait que réparer le mal qu’ils avaient causé en poussant par leurs provocations les puissances étrangères à une guerre qu’elles ne désiraient nullement, en désorganisant nos armées par l’anarchie, en égorgeant ou en chassant les généraux qui les avaient d’abord commandées. Ces terroristes d’ailleurs, si l’on en excepte un nombre infiniment peu considérable d’hommes égarés parmi eux, tels que Carnot, étaient aussi dépourvus de talens que de vertus ; ils n’avaient en aucune façon les proportions gigantesques qu’on a depuis voulu leur attribuer[1]. Que les amis de la liberté, à quelque nuance qu’ils appartiennent, en soient bien persuadés : ce n’est pas nuire à la cause qui leur est chère que de flétrir la convention et la terreur. Tout au contraire, en essayant de les défendre, on vient en aide aux ennemis de cette cause, à ceux qui prétendent que les formes modernes de la liberté, les Seules aujourd’hui possibles, sont inséparables de l’anarchie. Comment ne comprend-on pas d’ailleurs que c’est insulter le sentiment public que d’essayer certaines réhabilitations ? Comment ne comprend-on pas qu’on suscite de nombreux adversaires à la révolution française en présentant certains personnages comme ses héros et ses champions ?


L. DE VIEL-CASTEL.

  1. Ce sont là d’incontestables vérités que M. de Barante a parfaitement établies dans ses histoires ne la convention et du directoire, les plus complètes, les plus équitables, les plus sensées qui aient encore été écrites, les plus dignes d’être consultées par ceux qui désirent connaître à fond cette funeste époque. L’Histoire de la Terreur, de M. Ternaux, doit contribuer puissamment aussi à cette œuvre de restauration historique.