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sur ces pentes au gré des influences atmosphériques et de la nature du sol sous-jacent. Elles sont toutes animées d’une puissance de végétation des plus vigoureuses, et quelques-unes atteignent dans leur vie séculaire à des dimensions véritablement colossales : tels les cèdres de l’une des hautes vallées du Calaveras-River ; ils sont au nombre de quatre-vingt-douze. L’un, gisant à terre, mesure deux cents pieds de long et quatre-vingt-quatorze de circonférence ; les autres, encore debout, se rapprochent plus ou moins de ces étonnantes proportions. Ces bois formaient, il y a quinze ans à peine, une solitude profonde que n’osaient affronter les plus hardis trappeurs. Depuis, les plus solitaires de ces retraites ont été visitées par l’homme ; de tous les côtés, la forêt apparaît profondément entamée, les pentes des collines sont partout entrouvertes, les vallées ont perdu leurs ombrages, on n’y voit plus que des amas de terres et de graviers vingt fois retournés, champs désolés que ravagent en tout sens des torrens d’eaux boueuses. C’est que sous ce voile de la forêt existait une terre qu’on pourrait dire merveilleuse, où la nature avait répandu l’or à profusion. Ces trésors, le hasard les fit un jour trouver, et depuis une armée de travailleurs fouille le sol avec d’incessans efforts pour lui arracher les brillantes parcelles du précieux métal.

Telle est dans ses traits les plus généraux cette province perdue aux frontières nord de l’empire mexicain qu’on a nommée la Haute-Californie. La nature semble s’être complu à l’enrichir et à la parer. Elle Va dotée du plus doux des climats ; sur ses côtes s’ouvre une rade magnifique, certainement l’une des plus belles du monde ; l’intérieur des terres est parcouru par deux grands fleuves navigables. L’une de ses montagnes est réellement couverte d’un manteau d’or, d’impénétrables forêts protègent ces terrains aurifères et abritent aussi les sources de nombreuses rivières. La Haute-Californie a donc à profusion le bois et l’eau, ces deux élémens de travail, sans lesquels la plus riche mine d’or reste inexploitable et sans valeur.

Que manquait-il après la découverte des terrains aurifères, en 1848, à cette terre privilégiée ? Des hommes façonnés au travail, et l’Union américaine lui fournit ces hommes en grand nombre : ils arrivaient avec cet esprit d’entreprise hardi et énergique qui caractérise leur race, avec l’habitude bienfaisante de leurs libres institutions. La nouvelle terre fut rapidement explorée, mise en exploitation, et l’or des nouvelles mines afflua bientôt dans l’ancien monde avec une abondance qui semblait tenir du prodige. Les premiers champs d’or qui avaient été trouvés étaient d’une richesse inouïe ; on les travaillait avec une ardeur fébrile ; les produits étaient énormes. Depuis, cette richesse a diminué, les difficultés d’extraction