Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/562

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

perdus. Il est probable aussi que dans le sud, par d’autres marigots inexplorés encore, la Cazamance se joint au Rio-Cacheo, et par suite, car l’archipel des Bissagos appartient à la même constitution géologique, au Rio-Nuñez et à d’autres fleuves. Si cette prévision est juste, tous ces canaux formeraient une voie commerciale de plus de quatre-vingts lieues du nord au sud, et à laquelle aboutiraient toutes les rivières venant de l’intérieur. Rien ne serait plus facile alors que de concentrer en un seul point, d’un accès facile, les productions de ces vastes et fertiles contrées.

La richesse et la fécondité du sol dans le bassin inférieur sont encore dépassées par celles des pays du Souna et des provinces au-dessus de Sedhiou. Là commencent les premières hauteurs qui, d’étage en étage, s’élèvent jusqu’aux cimes alpestres du Fouta-Dialon. Dans cette zone intermédiaire, l’oranger, le goyavier, le bananier, l’ananas, donnent leurs fruits les plus savoureux, tandis que le cafier, l’indigotier, le cotonnier, ajoutent leurs riches produits à tous ceux du bas du fleuve. On conçoit dès lors le rapide accroissement de nos relations commerciales, l’essor qu’elles prirent dès que l’abolition de la traite permit d’utiliser les richesses de ces pays. On conçoit aussi l’importance que la France doit attacher, sinon à les posséder absolument, du moins à y exercer une influence prépondérante. Ces considérations justifient les expéditions qui étendent cette influence par la force des armes, la seule devant laquelle s’inclinent des populations animées d’un tel esprit.

Trente-six heures de navigation difficile à travers des marigots inconnus conduisirent, « au grand étonnement de nos ennemis, » le Dialmath, l’Africain, le Grand-Bassam et le Basilic en vue du débarcadère de Hilor ou Banantra, premier village avant Carone. Quarante-huit heures après, les villages riverains étaient emportés d’assaut, livrés aux flammes, et une première leçon était donnée à ces tribus de pillards. Les gens de Carone s’étaient défendus avec une grande bravoure. Armés de fusils, ils nous avaient tué trois hommes, et nous comptions vingt-deux blessés. Ceux de Thiong montrèrent peut-être un plus grand courage. Les navires avaient transporté la colonne jusqu’au fond du marigot des Djougoutes-Toudouks, nos douteux alliés ; nous avions campé pendant la nuit auprès de leur village. Les Thiong avaient pu reconnaître et le nombre de nos troupes et leurs armes redoutables. Au jour, nous nous mîmes en marche. Trois lieues séparent les habitations des Djougoutes de celles des Thiong. Fort peu soucieux de l’ennemi, ne comptant guère le rencontrer avant d’avoir atteint son village, nos soldats cheminaient un à un sur un étroit sentier qui longeait la lisière d’une colline boisée et la séparait de vastes rizières, en ce moment dessé-