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attestait que nos injures étaient vengées, et notre domination établie dans ces riches provinces.

Ces expéditions furent les dernières auxquelles nous prîmes part avec l’Etoile, qui désarmait à Rochefort en décembre 1861. D’importans résultats, on a pu le voir, sont maintenant acquis. De Saint-Louis à Médine, le fleuve est ouvert à nos traitans, et tous les tributs sont abolis. Le Oualo, le Damga, le Toro, sont soumis à notre souveraineté ; le Cayor est vaincu, entraîné dans notre influence. Les Maures, désormais rejetés sur la rive droite, n’osent franchir le fleuve, et viennent pacifiquement traiter aux escales de Daganah, de Podor et de Bakel, que nous leur avons assignées. Ces résultats, obtenus par tant de bravoure, tant d’efforts énergiques et persévérans, seront-ils durables ? Telle est la question que chacun s’adressait au moment où l’homme en qui se personnifie le système suivi au Sénégal dans ces derniers temps, le colonel Faidherbe, quittait pour n’y plus revenir un pays où il a dépensé les plus belles années de sa vie. La réponse n’est point douteuse. La force seule n’a pas fondé cet édifice ; il repose sur les bases plus solides de la justice et de l’humanité, les vaincus eux-mêmes en ont rendu le suprême témoignage. Elle est donc tracée, la voie où doit marcher l’administration coloniale pour assurer les développemens pacifiques de cette longue période de luttes et de conquêtes. En étudiant le passé de notre colonie, on reconnaît que la cause la plus fatale de l’inertie, de la torpeur où elle est restée ensevelie pendant si longtemps, réside surtout dans les changemens de système dont le Sénégal a été le théâtre, dans la succession rapide des chefs qui présidaient à ses destinées, et qui tous avaient des vues différentes et souvent opposées. Si l’abandon subit de nos alliés en 1835, dans la guerre du Oualo contre les Maures, nous a valu vingt ans de dépendance réelle vis-à-vis de ces tribus maintenant humiliées, si cet abandon a jeté parmi les chefs de ce pays des doutes, des défiances sur notre caractère, qui ne sont pas même effacés aujourd’hui, il n’est pas moins certain que tout pas en arrière, l’abandon d’un seul des principes que dans ces derniers temps nous avons cherché à faire prévaloir, entraîneraient aux yeux de ces populations l’abandon du système tout entier. Je maintiendrai cette devise d’un peuple dont les colonies peuvent servir de modèle à toutes les nations maritimes, doit donc être au Sénégal la devise de la France.


T. AUBE.