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charges d’électricité atmosphérique qui peuvent en temps d’orage s’introduire dans le câble, brûler le fil conducteur ou percer à jour l’enveloppe isolante. Bien plus, l’électricité même employée à produire les signaux désagrège peu à peu la gutta-percha partout où cette matière présente déjà un léger défaut, et l’œuvre de destruction se poursuit d’autant plus rapidement que la force électro-motrice est plus puissante. Les progrès du mal seront donc retardés, si l’on opère la transmission avec des courans très faibles ; mais, quelque faibles qu’ils soient, le conducteur doit tôt ou tard être rongé.

Il serait assurément téméraire d’assigner une limite précise à la durée des câbles, si la cause dont il vient d’être question pouvait seule les détruire. Bien d’autres dangers cependant les menacent, dangers qui échappent aux prévisions humaines et aux ressources de la science. Nous en prendrons pour exemple l’interruption récente du câble de Port-Vendres à Alger. Ce conducteur, posé depuis plus de deux ans, était encore presque aussi sain qu’au premier jour, quand au mois de novembre dernier, à la suite d’une tempête qui se fit sentir aux deux bords de la Méditerranée, une interruption subite se manifesta, et la communication fut complètement interrompue. Les expériences électriques faites aux deux extrémités ne donnant pas d’indications suffisamment précises, on résolut de le relever au milieu de sa longueur, dans les parages des Baléares, où il ne se trouve guère que 150 mètres d’eau. Cette opération réussit, et l’électricien put s’assurer que la rupture s’était produite entre Mahon et Alger, à une grande distance du rivage, et par conséquent dans les grandes profondeurs de la mer. Il est impossible cependant, quelque violente que fut la tempête, que les eaux aient été remuées jusqu’à 2,000 ou 3,000 mètres. L’explication la plus plausible a été suggérée par l’observation d’un tremblement de terre qui, pendant les mêmes journées, se fit sentir en Algérie et sur les côtes de la Provence. On peut supposer que le câble était resté suspendu entre deux rochers escarpés, et que ces rochers se sont écartés subitement par un mouvement du sol marin.

Il est souvent possible de relever un câble endommagé pour remplacer la portion défectueuse ; mais c’est un travail incertain et très long, qui n’est réellement praticable que dans de faibles profondeurs d’eau. Il faut un beau temps, un navire puissant et des ressources qui ne sont pas toujours immédiatement disponibles. Lors donc qu’on voudra garantir une communication permanente entre deux continens, il sera nécessaire de les relier par deux lignes distinctes, et d’immerger autant que possible deux câbles à une grande distance l’un de l’autre pour qu’ils ne soient pas soumis aux mêmes