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M. de Persigny. N’est-ce point en effet surtout au ministère de l’intérieur qu’aboutissent et viennent ressortir les contradictions et les embarras du régime restrictif ? Quand on a, comme M. de Persigny, la bonne volonté d’être libéral, et lorsque, comme ministre de l’intérieur, on est tenu de faire l’application de la loi sur la presse, on n’est point, nous le reconnaissons, sur un lit de roses. Il y a peu de tâches plus difficiles et plus ingrates, et il nous semble qu’un ministre de l’intérieur aux idées élevées, que l’on se plaît à reconnaître dans M. de Persigny, ne devrait pas souhaiter moins que nous la réforme du régime de la presse. Pour ce qui nous concerne cependant, nous oublions volontiers les tracasseries de ce régime dès que nous voyons le ministre de l’intérieur donner jour par quelque endroit à ses intentions libérales. On doit rendre cette justice à M. de Persigny, qu’il fait faire de temps en temps quelques pas à la liberté dans la sphère de nos institutions administratives. Un progrès important de ce genre a été la publicité introduite dans les causes jugées par les conseils de préfecture. Ces conseils sont des tribunaux administratifs, et les affaires litigieuses qui sont du ressort de ces tribunaux ont dans notre pays une grande importance. Le principe de la publicité étant inhérent chez nous à l’administration de la justice, on ne comprend pas qu’il ait tant tardé à pénétrer dans les tribunaux administratifs. En réparant une omission qui était une regrettable inconséquence, M. de Persigny s’est fait un réel honneur. Comme symptôme de l’esprit libéral du ministre, nous avons remarqué aussi avec satisfaction l’exposé des motifs du projet de loi portant demande d’un crédit extraordinaire de 5 millions en faveur des ouvriers cotonniers sans ouvrage. Dans la fixation du chiffre de ce crédit comme dans l’emploi qui lui a été donné, le gouvernement a évité recueil que quelques esprits avaient redouté. Il ne s’est point substitué à la charité privée dans l’accomplissement du devoir social qui est en ce moment imposé à la France. Il n’a point usurpé la tâche dévolue à la bienfaisance volontaire. Nous sommes heureux que nos idées à ce sujet se soient rencontrées avec celles du gouvernement, que l’administration se .soit bornée à procurer le seul mode de soulagement qui soit en son pouvoir, et en agissant ainsi, au lieu de décourager la charité privée, lui ait donné un stimulant plus actif et plus efficace. M. Pouyer-Quertier, qui a présenté au corps législatif le rapport sur les crédits demandés par les ministres des travaux publics et de l’intérieur, a dignement traité cette douloureuse question de la crise cotonnière. Il eût convenu, suivant nous, que d’autres voix se vinssent mêler à la sienne, et qu’un débat suffisamment développé éclairât le pays sur la nature et l’étendue des misères qu’il s’agit de secourir en montrant toute la grandeur des efforts que la bienfaisance doit s’imposer. On a été généralement surpris, nous devons l’avouer, du silence que les représentans de la cause libérale et démocratique ont gardé en cette circonstance.

Mais si la pensée des souffrances des ouvriers cotonniers est navrante, la