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Combien rentre-t-il généralement de notes par jour ? Le 16 octobre 1862, je visitai ce département de la Banque, et on avait reçu le même jour 56,785 notes, représentant toutes ensemble une valeur de 2,091,755 livres sterling. Il faut quatre jours de travail avant que chacune de ces notes déchues ait passé par la série de formalités qui doivent les contrôler d’abord, puis les annuler comme papier-monnaie. Enfin, triées, séparées par ordre de date et de valeur, formées en paquets qui varient de trois cents à quinze cents, elles sont envoyées dans une bibliothèque (library) où l’administration les conserve dans des boîtes pendant dix années. Durant tout ce temps-là, on peut remonter en quelque sorte à la généalogie de chaque bank-notes « morte » et déterminer les circonstances de l’émission et du paiement, pourvu que la personne intéressée à provoquer ces recherches indique seulement le numéro, la date et la valeur du billet. Une telle enquête, qui s’accomplit d’ailleurs en quelques minutes, semblera sans doute un tour de force, quand on saura qu’il y a dans cette bibliothèque seize mille boîtes, contenant toutes ensemble jusqu’à quatre-vingt millions de vieilles bank-notes dont la valeur ne figure plus qu’à titre de souvenir ! Au bout de dix ans, ces notes, conservées seulement en vue du public, sont brûlées dans l’enceinte de la Banque ; je dis en vue du public, car c’est uniquement afin de favoriser les recherches et les réclamations du dehors que l’administration s’impose les frais d’un tel service. Pour la Banque, le billet a cessé d’être du moment qu’il a été payé.

Les notes présentées par les banquiers se règlent à leur compte et font partie du mouvement général de doit et avoir, qu’on désigne ici sous le nom de balance ; mais les notes offertes par les particuliers se remboursent toutes dans le pay-hall, cette vieille grande salle, ouverte à tout venant, où l’on peut recevoir à volonté, soit de nouveaux billets, soit de l’or, soit de l’argent, selon le compartiment auquel on s’adresse. Il y eut toutefois un moment, dans l’histoire de la Grande-Bretagne, où la Banque d’Angleterre suspendit le paiement de ses notes : ce fut de 1797 à 1821. D’abord l’alarme fut vive ; mais bientôt le commerce de Londres accepta la mesure comme patriotique. Il ne faut pas oublier que toutes les ressources de la Grande-Bretagne étaient alors entrées en ligne contre les projets ambitieux de Napoléon. Cette longue disparition du numéraire fut d’ailleurs un témoignage irrécusable de la confiance publique dans la bonne foi de la Banque d’Angleterre et de la patience d’un grand peuple menacé. L’or avait reparu quand arriva la fameuse panique de 1825. Cette année 1825 avait été célèbre par ce que nos voisins appellent des bulles de savon, bubbles, c’est-à-dire des projets et des entreprises chimériques. La sauvagerie de la spéculation, wildness of speculation, avait été poussée jusqu’aux dernières limi-