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que ce soit indifférence ou bien ignorance en matière théologique, l’autorité spirituelle des interprètes acceptés de la foi n’a été moins contestée par les fidèles. La difficulté vient plutôt des circonstances extérieures et de l’antagonisme de plus en plus prononcé qui éclate entre les principes de la civilisation moderne et ceux de l’église, antagonisme que Rome semble à plaisir vouloir rendre plus manifeste et plus profond.

Sans doute la nouvelle évolution protestante qui, partie de l’Allemagne, a envahi déjà la Suisse, la Hollande, et pénètre maintenant en Angleterre et en France, semble plus sérieuse, puisqu’elle touche au fond même des croyances; mais on doit peut-être la considérer comme le terme naturel et légitime de l’appel au libre examen, racine même de la réforme, et si elle doit avoir pour effet de rejeter dans le sein d’une église offrant l’abri de son infaillibilité quelques-uns de ceux qu’effraient les orages, les angoisses, les responsabilités de la raison individuelle, elle peut ramener d’autre part ce groupe nombreux d’hommes que certains dogmes du christianisme en avaient éloignés. Chez les nations catholiques au contraire, l’hostilité se déclare entre les esprits les plus imbus des principes modernes et l’église, qui veut en arrêter le naturel développement. Ainsi, quoiqu’on puisse prétendre que la crise du catholicisme n’est que le résultat d’un malentendu, tandis que celle du protestantisme est la suite d’une évolution interne et pour ainsi dire organique, le danger paraît néanmoins plus grand pour le premier des deux cultes chrétiens que pour le second, en raison des conséquences qui en peuvent résulter, surtout maintenant que la question romaine a provoqué une lutte des plus vives, non-seulement au sein des états, mais même au sein des familles. Le mouvement protestant a déjà été dans la Revue l’objet de différens travaux. N’y aurait-il pas intérêt aussi à examiner la question religieuse telle qu’elle se présente dans les pays catholiques, en rappelant quelques publications récentes, et notamment les écrits d’un esprit vigoureux qui avait consacré toutes ses forces, toute son existence à rechercher les causes d’une situation qu’il déplorait et à trouver les moyens d’y porter remède? Les œuvres posthumes de M. Bordas-Demoulin et l’histoire de sa vie, publiées par M. Huet, offrent à ce sujet quelques vues et quelques symptômes très dignes d’attention.


I.

Frappées du calme qui règne dans la région des dogmes et du silence qui s’est fait autour des questions théologiques, si éloquemment et parfois si violemment agitées jadis, certaines personnes