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LE RÉALISME ÉPIQUE
DANS LE ROMAN


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Salammbô, par M. Gustave Flaubert.


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Il est dans l’histoire intellectuelle de notre pays certains épisodes auxquels on ne peut penser sans une impression de surprise et de tristesse. Tel mouvement de l’esprit humain a eu déjà ses phases complètes en Angleterre ou en Allemagne quand il vient se reproduire et trop souvent s’exagérer en France. L’école réaliste par exemple, dont un roman nouveau vient remettre en cause les étranges prétentions, cette école assez bruyante, et qui proclame si fièrement son indépendance, sait-elle bien d’où elle vient ? Connaît-elle tous ses devanciers ?… J’hésite à citer le grand nom qui m’est revenu souvent à la mémoire en présence de quelques folles tentatives de ces derniers temps. Il faut bien l’avouer cependant, le réalisme, comme le romantisme, est né d’un travail d’idées étranger à notre pays, et que nous avons plutôt dénaturé qu’élargi ou continué. Le père du réalisme, c’est Goethe en personne ; pourquoi ne pas le dire, puisque le meilleur moyen de déconcerter nos faux réalistes, c’est de les confronter avec le grand esprit dont ils ont si mal interprété le système ?

Je voudrais expliquer par une sorte d’aperçu généalogique ce qu’il faut entendre par le réalisme de Goethe. La littérature française sous Louis XIV avait été une admirable expression de la société