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payer aux compagnies un droit de commission, un courtage pour les opérations dont celles-ci avaient le privilège. Tel était dans le principe le régime du commerce avec les colonies. Le monopole métropolitain formait la base du système; le monopole des compagnies était un expédient auquel il fallait souvent avoir recours pour attirer les capitaux vers ce genre d’opérations.

Cette législation était conforme à l’esprit du temps. Les peuples les plus éclairés de l’Europe pratiquaient pour leur propre compte le système réglementaire et restrictif qu’ils appliquèrent à leurs établissemens d’outre-mer, et les gouvernemens croyaient faire preuve d’habileté et de sollicitude en s’ingéniant par mille moyens à défendre le marché colonial, ainsi que le marché intérieur, contre toute intervention étrangère. L’Espagne voulait recevoir seule de première main les métaux précieux du Pérou et du Mexique; la Hollande se réservait exclusivement le commerce des épices; la France et l’Angleterre agissaient de même pour le sucre et le café de leurs possessions coloniales. D’un autre côté, chaque métropole entendait que les colonies n’eussent point la faculté de s’approvisionner ailleurs que chez elle en produits manufacturés; non-seulement toute importation étrangère leur était interdite, mais encore toute industrie était bannie de leur sol : elles ne pouvaient ni fabriquer le fer, ni filer le coton, ni raffiner le sucre. Comment s’étonner qu’il en fût ainsi, quand on observe que dans le même temps l’Angleterre prohibait la sortie des céréales, de la laine, des machines, des ouvriers, en un mot de tout instrument de production, et frappait de taxes très élevées les produits des manufactures étrangères? Si l’Angleterre croyait devoir adopter cette politique dans ses rapports avec les autres peuples, combien elle était plus libre dans l’application du régime de la prohibition et du monopole, quand elle se trouvait en présence d’une colonie! Du XVIe au XVIIIe siècle, ces doctrines étaient partagées par tous les gouvernemens de l’Europe; elles ne rencontraient aucune contradiction, et la prospérité du commerce colonial proprement dit devait paraître une suffisante justification du système, car, il faut bien le reconnaître, les profits de cette branche particulière de commerce étaient très considérables : c’était de là que s’élevaient les plus grandes fortunes. Seulement on ne voyait pas alors où devait nécessairement aboutir, dans une période plus ou moins éloignée, un régime aussi contraire à la loi naturelle.

Comme il était interdit à la colonie d’exporter directement ses produits pour l’étranger, il fallait bien combiner les tarifs de manière qu’elle fût assurée d’en obtenir le placement sur le marché de la métropole à des prix rémunérateurs; sinon elle aurait été