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contraire que jamais le progrès manufacturier en Europe ne s’est développé aussi rapidement qu’à partir du moment où cette concurrence a été enfin acceptée. D’ailleurs, si énorme que soit la production anglaise, elle ne saurait suffire à tous les marchés, et précisément parce qu’elle est énorme, elle exige des approvisionnemens immenses et elle éprouve de grands besoins de consommation, pour lesquels elle invoque l’assistance du monde entier. Si donc ce fantôme de la concurrence s’est évanoui pour les métropoles, comment s’aviserait-on de le ressusciter quand il s’agit de leurs colonies? Et si l’on s’inquiétait outre mesure, pour l’industrie métropolitaine, de la concurrence ouverte sur un marché qui lui était naguère exclusivement réservé, il ne faut pas perdre de vue que les colons gardent toujours une préférence instinctive aux produits fabriqués dans la mère-patrie, ce qui constitue en faveur de ces derniers une protection naturelle et légitime. Enfin, le système de liberté étant appliqué dans toutes les possessions européennes, comme il le sera infailliblement sous l’inspiration de la doctrine économique dont nous constatons aujourd’hui le triomphe, les nations industrielles gagneront évidemment beaucoup plus à obtenir l’accès des colonies étrangères qu’elles ne perdront à se voir privées des privilèges dont elles étaient en possession dans leurs propres colonies. Un vaste marché avec la concurrence vaut mieux qu’un marché restreint avec le monopole.


IV.

Dans l’étude de l’organisation coloniale, le régime commercial n’est point seulement très important par lui-même, à raison de l’influence qu’il exerce sur la production; il se rattache en outre à l’ensemble de la question fiscale, et l’on doit s’y arrêter de nouveau lorsque l’on examine ce qu’une colonie rapporte ou ce qu’elle coûte au budget de la métropole.

En général, tout établissement colonial est, pour le budget, une lourde charge. A l’exception de Cuba et de Java, qui versent chaque année dans les caisses de l’Espagne et des Pays-Bas un excédant de leurs recettes sur leurs dépenses d’entretien, les colonies ne figurent qu’au passif des budgets métropolitains. L’Angleterre dépense annuellement près de 100 millions de francs pour les frais de son empire colonial, non compris l’Inde. En France, le chiffre est grossi par les dépenses militaires de l’Algérie. Hâtons-nous de rappeler cependant que ce n’est point ainsi que l’on doit faire la balance financière des colonies. Si leurs dépenses peuvent se traduire en chiffres exacts, il n’en est pas de même des avantages qu’elles procurent.