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celui du revenu territorial, de le percevoir directement et non par intermédiaire, enfin de le faire payer en argent et non en nature. À ces conditions, l’impôt devient lui-même un instrument actif de colonisation dans toute contrée jouissant de la liberté commerciale.

Nous avons réservé pour la fin de cette étude l’examen très sommaire des questions qui se rattachent au régime politique et administratif des colonies. Autant sont absolus les principes qui président à la constitution économique, autant les règles de gouvernement sont variables selon le caractère, les besoins et les intérêts particuliers de chaque région. Considérons d’abord les colonies où domine l’élément européen. On retrouve en chacune d’elles l’empreinte fidèle des institutions et des mœurs de la mère-patrie. Le voyageur qui visite successivement une possession anglaise, une possession espagnole, une possession française, reconnaît au premier coup d’œil les libertés politiques et les inégalités sociales de la Grande-Bretagne, l’intolérance religieuse et l’indolence administrative de l’Espagne, l’égalité civile et le système ultra-réglementaire de la France. Ces analogies entre la métropole et la colonie sont naturelles et inévitables, chaque nation transportant partout où elle s’établit ses lois, ses mœurs et son génie. On observe cependant que les établissemens les plus prospères sont ceux où la plus grande part est laissée au principe de liberté, où la direction administrative de la métropole consent à s’effacer devant l’esprit d’indépendance qui se produit toujours au sein d’une société coloniale. C’est ainsi que les établissemens de la race saxonne se peuplent et s’enrichissent plus vite que ceux de la race latine, parce que leur régime plus libéral attire les étrangers aussi bien que les nationaux, et s’accorde mieux avec les instincts aventureux des colons qui s’exilent de la vieille Europe. La législation compliquée et la discipline sévère d’une métropole où se pressent, sur un territoire encombré, tant d’intérêts armés l’un contre l’autre par d’anciens antagonismes, ne conviennent point dans un pays neuf. L’expérience conseille de laisser autant que possible aux colons la conduite en même temps que la responsabilité de leurs propres affaires. L’Angleterre a donné l’exemple de cette politique bienveillante autant qu’habile en accordant soit des parlemens, soit des conseils législatifs, à celles de ses colonies qui lui ont paru mériter cette confiance et cet honneur. En 1833, la France avait institué dans plusieurs de ses possessions des conseils électifs investis du droit de voter les contributions et les dépenses locales. Le régime actuel, qui date du sénatus-consulte de 1852, est moins libéral que celui qui a été en vigueur de 1833 à 1848. Pourquoi cela? Nous ne possédons point de colonies qui,