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Après avoir prié sur la fosse, Sylvine
Se relève et s’éloigne, et Lazare pensif
L’admire et suit des yeux, de massif en massif,
Sa marche harmonieuse entre les tombes blanches.
Un autre aussi la suit de loin parmi les branches :
C’est Jean Caillou rêveur... A Lazare en fuyant
Il lance un noir regard, farouche et méfiant...

Cependant le soir tombe et s’étend sur la ville.
Il fait fumer au loin les toitures de tuile,
Et sa vapeur revêt d’un bleuâtre velours
L’ardoise des clochers et l’ogive des tours.
Une étoile blanchit au bord du ciel limpide ;
On dirait un lis pur, à la corolle humide.
Lazare, resté seul dans le funèbre enclos,
Se promène à pas lents sous les frêles bouleaux.
Dans l’azur assombri du firmament sans voile.
Ses yeux plongent sans cesse et contemplent l’étoile,
Et tandis que Vesper éclôt sur la hauteur,
La fraîche fleur d’amour s’ent’rouvre dans son cœur.


III. — CANTABILE.


Parmi tous les foyers de lumière idéale,
La clarté la plus pure et la plus amicale,
O lune, c’est la tienne ! — A l’heure où le soleil
S’éteint dans les vapeurs de l’occident vermeil.
Tu sors timidement de ta calme retraite;
Sur ton trône d’argent tu te glisses discrète,
Et des étoiles d’or le peuple harmonieux
Dispose autour de toi ses chœurs silencieux.
O Cynthia Phœbé, ta lumière sacrée
Sur la terre qui dort tombe chaste et nacrée.
Le moindre pli du sol par elle est visité :
Dans la mousse qu’effleure un rayon velouté.
L’hyacinthe sauvage entr’ouvre ses calices;
Sitôt que tu parais, les bois avec délices
Bercent leurs frais rameaux baignés de ta lueur ;
Les grands bœufs assoupis dans les pâtis en fleur
Ouvrent leurs doux regards quand tu sors de la nue,
Et leurs mugissemens accueillent ta venue;
Les nids chantent pour toi; la mer, la vaste mer;
Quand ta pleine rondeur resplendit dans l’éther,