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nées inconciliables avec la foi dans laquelle il avait été élevé, et il n’a pas osé mentir à sa conscience et à Dieu en dissimulant sa conviction. « Je ne me suis pas engagé de moi-même dans ces recherches, dit-il, mais j’y ai été amené par mes devoirs comme évêque et comme missionnaire. Du reste, je suis entraîné, je le sais, avec le courant du siècle, courant qui coule tout entier dans la direction indiquée, et qui grossit chaque jour à vue d’œil. Quelles seront les conséquences de ce mouvement? Dieu seul peut le prévoir. Pour moi, m’en remettant à lui, j’ai lancé ma barque sur les flots, et je sens qu’ils m’entraînent. Combien n’aurais-je pas préféré éviter de pareilles recherches, si je l’avais pu! Et en effet je les ai évitées aussi longtemps que cela m’a été possible. » Et ailleurs : « Il est injuste de repousser des recherches de ce genre en signalant les conséquences qu’elles doivent avoir, en déclarant qu’elles conduisent à l’incrédulité et à l’athéisme. Il est possible qu’il en soit ainsi de quelques personnes; mais en sera-t-il nécessairement ainsi de tous? Ne pouvait-on pas en dire autant et ne l’a-t-on pas très probablement dit de saint Paul lorsqu’il combattait le judaïsme, des réformateurs lorsqu’ils entrèrent en lutte avec l’église romaine? Notre devoir évident est de suivre la vérité partout où elle nous conduira, et de laisser les conséquences entre les mains de Dieu. »

Il ne faut pas croire d’ailleurs que notre évêque soit devenu ce qu’on appelle un incrédule. Loin de là, il est resté chrétien, chrétien sincère et fervent. La Bible continue d’être pour lui le livre des livres, de renfermer la vraie parole de Dieu, d’offrir l’image la plus fidèle du Très-Haut et l’instrument le plus efficace du salut des hommes. Il estime que l’esprit divin parle dans ce volume avec des accens qui vont à la conscience de tous, à celle de l’enfant et du pauvre aussi bien et mieux encore qu’à celle du critique ou du philosophe. La foi ne peut que gagner à des vues plus saines sur l’Écriture et l’inspiration. Vienne le jour où l’on n’enseignera plus aux hommes à croire, sous peine de damnation, des fables dont tous les peuples possèdent l’équivalent dans leurs propres traditions, et l’on verra l’œuvre des missions faire parmi les Cafres de l’Afrique et les brames de l’Hindoustan des progrès qu’il serait vain d’espérer aujourd’hui. Telles sont les espérances dont se nourrit la foi du docteur Colenso.

Son attachement à l’église dont il fait partie n’a pas changé davantage. On peut même dire que c’est par dévouement pour elle, et dans l’espoir de la servir, qu’il a pris la plume. Les superstitions qu’il attaque sont, à ses yeux, ce qui fait la faiblesse de l’anglicanisme. On prêche une doctrine de l’inspiration qui est en désaccord avec les faits, on exige des ministres du culte qu’ils reçoi-