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doit être contenue dans les prévisions votées. On répondra que le gouvernement ne sera pas plus économe pour cela, que la chambre ne sera pas plus sévère : le gouvernement sera quitte pour présenter de plus gros budgets, lesquels ne manqueront pas d’être votés par des majorités complaisantes. S’il devait en être ainsi, ce serait une raison plus forte de souhaiter que l’entraînement à la dépense ne pût plus trouver un abri commode et périlleux dans la dette flottante, où se creuse le déficit que doit venir combler l’emprunt. Crédits supplémentaires, dépassemens de crédit, déficit, dette flottante, emprunt, c’est le cercle vicieux d’où il faut sortir avant tout. Il faut contraindre les gouvernemens et les peuples immodérés dans la dépense à demander leurs ressources non à l’emprunt, mais au revenu ordinaire, c’est-à-dire en dernière analyse à l’impôt. Le fardeau de la dépense paraît bien léger tant qu’on paie avec le produit de l’emprunt; on en sent tout le poids quand on paie avec le produit de l’impôt. Vous voulez faire des expéditions stériles, taxez-vous. Vous voulez poursuivre des guerres lointaines pour des objets indéterminés, taxez-vous. Vous voulez exécuter des travaux de fantaisie et de luxe, taxez-vous. Quand vous sentirez la nécessité de diminuer vos charges, vous comprendrez enfin la nécessité de brider vos caprices.

Il y a à travers tout cela une grande question de responsabilité qui doit être franchement mise à nu. En Angleterre, il n’est pas un premier ministre et un chancelier de l’échiquier qui ne se fassent un point d’honneur de contenir la dépense dans le revenu. Ce n’est pas à dire pour cela que le gouvernement anglais, en l’absence des chambres, soit dans l’impuissance de faire face à une dépense inopinée. Pour parer aux insuffisances qui peuvent se révéler dans un département ministériel, le premier lord de la trésorerie, qui est toujours le premier ministre, a plusieurs moyens à sa disposition. Il peut appliquer à la dépense imprévue et nécessaire les excédans de crédit prévus sur un article du même chapitre, quelquefois les excédans de crédit prévus sur un autre chapitre : ce sont là des viremens. Dans les cas d’urgence, il peut même dépasser l’allocation totale du département ministériel, à la condition de présenter à la prochaine session du parlement une demande de crédit supplémentaire, c’est-à-dire un bill d’indemnité. Mais en Angleterre la responsabilité ministérielle est nettement définie, et aboutit au parlement. Si la politique qui a entraîné le premier lord de la trésorerie à dépasser ses crédits n’obtient pas l’approbation du parlement, le premier ministre et le cabinet se retirent. Celui qui ordonnance le crédit supplémentaire est responsable devant ceux qui votent l’impôt. En France, sous le régime de la constitution de 1852, où réside la responsabilité? Dans la personne du chef de l’état, responsable devant la nation. L’empereur, on ne devrait jamais le perdre de vue, est chez nous en quelque sorte un premier lord de la trésorerie inamovible. Lui seul peut autoriser les dépassemens de crédit. Nous ne pouvons nous rappeler sans