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allant et revenant dans toutes les directions, 105,141,140 milles de railways. Sur ces 4 millions de trains, 1,902,069 trains de passagers en Angleterre, 275,825 en Écosse et 174,445 en Irlande ont transporté tous ensemble 173,721,139 voyageurs, — presque huit fois la population entière du royaume. Les autres étaient des trains de marchandises qui ont déplacé des chevaux, du bétail et toute sorte de denrées. À propos de ces chiffres étourdissans, il est naturel de rappeler que l’astre lumineux qui gouverne tout notre système céleste se trouve placé à 95 millions de milles de notre planète, quelques calculs récens tendent même à le rapprocher un peu plus de la terre, de telle sorte que les wagons anglais ont parcouru en une seule année plus que la distance qui nous sépare du soleil.

De tels résultats ne sont-ils point bien faits pour éblouir et pour confondre l’imagination ? Ce n’est pourtant point sur ces conquêtes épiques de l’industrie ni sur la richesse du réseau de fer britannique en général, que nous voudrions appeler cette fois l’attention des lecteurs de la Revue. Il se produit en ce moment, dans un cadre plus rétréci, un autre ensemble de faits qui mérite d’être signalé. Dans les premiers temps où la découverte de la vapeur fut d’abord appliquée au mouvement des voitures et des moyens de transport, on n’envisageait guère cette force que comme le lien de communication entre les villes et les villages. Qui présageait alors que les chemins de fer pussent enjamber de grands fleuves encombrés par la navigation d’une vaste cité de commerce ? Qui eût dit que la locomotive fût destinée un jour à remplacer le cheval, non-seulement dans les espaces libres où elle jouit en quelque sorte de la liberté de ses allures, mais aussi au milieu de ces réseaux de rues, de ces forêts d’édifices et de maisons qui semblaient défier le progrès des chemins de fer ? Qui eût imaginé, même en rêve, que le dragon de feu s’apprivoiserait au point de vous conduire d’un quartier de la ville à un autre quartier, de vous descendre en quelque sorte à votre porte et de prendre humblement l’heure de vos affaires et de vos visites ? Qui eût pensé, en un mot, que les wagons détrôneraient les omnibus après avoir détrôné les diligences ? Tel est néanmoins le problème que cherche à résoudre la capitale de l’Angleterre.


I

À la naissance des chemins de fer, le parlement anglais avait décrété qu’aucune locomotive n’entrerait dans les rues de Londres. Le North-Western-Railway devait se contenter de tirer ses wagons jusqu’au débarcadère de Chalk-Farm au moyen de cordes et d’une