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se jetant dans l’Apennin avec trois cents Barbares déterminés, il y faisait pour son compte une guerre de pillage. À la nouvelle qu’un accommodement se concluait entre Honorius et son ennemi, il offrit de faire lui-même sa paix, si l’empereur lui accordait ce titre de maître des milices qu’il allait livrer à son rival. La réputation militaire de Sarus était grande et méritée dans les degrés inférieurs du commandement. Homme d’exécution et de coup de main, il avait servi utilement Théodose, et tout récemment encore c’était lui qui, par une charge bien dirigée, avait assuré la défaite de Radagaise à Fésules. Honorius prêta donc l’oreille à ses propositions ; il le reçut clandestinement à Ravenne, où ils eurent ensemble un long entretien. Voilà ce qui avait précédé le guet-apens tendu par Sarus au roi des Goths. Informé bientôt de ces circonstances, Alaric comprit que tout était convenu entre Honorius et le chef de bandes, et que sa tête devait servir de gage à la réconciliation. Il n’éclata point en accusations ni en reproches sur la foi publique violée, mais il jura qu’il irait prendre et brûler Rome. Des ordres aussitôt donnés pour ie départ de l’armée furent promptement exécutés ; lui-même, dans son impatience, eût voulu devancer la marche de ses troupes. La route qu’il allait suivre était précisément celle qu’avait parcourue, quatre cents ans auparavant, le premier césar marchant aussi à la conquête de Rome et rêvant la domination de l’univers : comme lui, le roi barbare, généralissime d’Occident au nom du sénat, partit d’Ariminum ; comme lui, il passa le Rubicon, et cette fois encore le sort en fut jeté.


II

En approchant de Rome, Alaric trouva la campagne couverte de fugitifs qui désertaient la ville, de chrétiens surtout qui pouvaient redouter quelque soulèvement populaire et se trouvaient d’ailleurs sans chef, puisque Innocent était resté à Ravenne, échappant à l’embrasement de Rome, comme le juste Loth à celui de Sodome : c’est un écrivain chrétien du temps qui nous fournit la comparaison. Le roi des Goths ne fit à son arrivée aucune proposition, ne donna aucune explication aux Romains : il somma le peuple et le sénat de se rendre à merci, et pour bien caractériser la guerre qu’il apportait cette fois, il fit comparaître devant son armée le malheureux Attale vêtu des insignes d’empereur, les lui arracha de nouveau et le chassa de sa présence. En cassant ainsi son empereur en face de Rome et presque sous les yeux du sénat, il abdiquait lui-même la maîtrise qu’il tenait de ce faux césar ; il déclarait hautement qu’il n’était plus Romain, qu’il ne voulait plus l’être, et rentrait vis-à-vis