Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 44.djvu/838

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’été à la limite des pâturages qui lui sont destinés. C’est là qu’il trouve les plantes les plus aromatiques, celles qui donnent le lait le meilleur et le plus crémeux. Le nombre est encore assez grand des espèces qui, sur ces hautes alpes, font à la fois les délices des troupeaux et la joie du botaniste. Celles que les bergers estiment surtout sont la branche-ursine (meum mutellina), dont l’ours mange la racine, et dont la marmotte fait du foin pour se nourrir l’hiver dans son terrier, une espèce de plantain aux feuilles étroites, mais à racine énorme (plantago alpina), un vrai type de plante alpine, deux ou trois espèces d’alchemille (alchemilla alpina, pentaphylla et moschata), quelques papilionacées (trifolium alpinum, medicago minima, etc.), plusieurs graminées qui montent moins haut que les dicotylédonées, mais dont on trouve jusque près des neiges une espèce vivipare très curieuse, la poa alpina vivipara, et une autre d’excellente qualité, le phleum alpinum, enfin des carex et des luzulées, parmi lesquelles la luzula spadicea est particulièrement recherchée par le bétail. Auprès des chalets, dans les endroits souvent engraissés, se développe une végétation plus plantureuse et moins fine ; il s’y mêle aussi fréquemment des espèces dangereuses : l’aconit, la jusquiame, la renoncule des montagnes, l’anémone alpine, la digitale, etc. Les vaches les évitent, mais les jeunes bêtes en mangent parfois au grand détriment de leur santé, et il serait à désirer que les pâtres, qui connaissent bien ces plantes, les extirpassent avec soin. Il semble d’abord que dans les alpes les troupeaux ne doivent trouver que difficilement de quoi se désaltérer. On croirait en effet que sur ces pentes rapides, sur ces terrasses suspendues au haut des murs de rochers qui enceignent les vallées, sur ces amphithéâtres gigantesques qui se perdent dans les nues, les fontaines doivent absolument faire défaut ; il n’en est rien pourtant. Nulle part elles ne jaillissent aussi nombreuses et aussi pures. On ne peut faire un pas sans rencontrer, soit quelque filet cristallin qui précipite sa course vers la rivière, soit quelque marais tourbeux où l’on risque de se mouiller plus que le pied. Les eaux des neiges, des glaciers ou du ciel filtrent doucement en terre, rencontrent quelque couche imperméable, suivent la déclivité et viennent sourdre enfin à mi-côte des hauteurs et même bien près des cimes. Souvent les bergers recueillent l’une de ces sources, et la conduisent, au moyen de sapins forés, dans un grand tronc creusé en forme d’abreuvoir. D’ailleurs les petits lacs ne manquent pas, et le bétail aime à s’abreuver dans leurs eaux fraîches et transparentes.

Arrivées à l’extrémité de leur domaine, vers la fin du mois d’août, les vaches commencent à descendre. Elles reviennent lentement sur leurs pas, et s’arrêtent encore quelques jours à chaque étage précédemment