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compagnies de la garnison, et l’on put former en quelques mois le noyau d’une excellente armée ; mais il fallut encore une fois arrêter ; un mouvement pour ainsi dire spontané. Comment pourvoir, aux frais. d’entretien et d’équipement des troupes indigènes sans recourir aux revenus des douanes de Shang-haï et de Ning-po ? Malheureusement ces revenus énormes étaient, de la part des Chinois, l’objet du gaspillage le plus honteux. À peine les droits perçus par des Européens, comme agens du gouvernement impérial, étaient-ils versés dans une banque de l’état, qu’ils disparaissaient. Ici encore c’était l’amiral Protet qui avait le premier signalé le meilleur système, la création d’une commission mixte, où l’Angleterre, la France et même la Chine auraient des représentans, chargée de surveiller toutes les dépenses. Les revenus de douane seraient mis par moitié dans une banque de chacun des deux pays européens, et ne pourraient en sortir sans la permission et le visa des membres de ce tribunal des finances. Les dépenses d’utilité générale, comme celles qu’entraînerait la défense commune, devraient naturellement passer les premières. La permission d’installer ce contrôle indispensable fut demandée à Pékin par l’entremise des légations ; elle ne put être refusée, et cette commission donne la vie à l’espèce de conscription que nous levons sur les Chinois : c’est la clé de voûte de tout le système de défense et d’attaque contre les rebelles. Les commissaires alliés installés dans les ports ouverts seront les gardiens sûrs des intérêts chinois comme des nôtres, et les petites armées nationales administrées par eux, commandées par des Européens tirés de notre garnison et de notre station, auront bientôt rassuré les habitans, purgé les campagnes des brigands. N’aurons-nous pas ainsi jeté les fondemens d’un nouvel ordre de choses et doublé nos forces ? De pareils exemples peuvent-ils se perdre au milieu d’un peuple ami de la paix, à qui la tranquillité est nécessaire, et qui n’aura jamais été aussi efficacement protégé que par nous ? Les populations errantes, chassées de leurs terres par la rébellion, ne viendront-elles pas se grouper autour de ces centres européens où régneront la justice, la bonne administration et la concorde ? N’y voit-on pas déjà le commencement de cette conquête pacifique de l’opinion publique chinoise que nous cherchons vainement depuis des siècles ? C’est notre race enfin s’implantant au cœur d’un pays jusqu’alors si inaccessible. Bientôt l’on verra cette institution grandir et prospérer, car notre influence sur ces masses ne peut se limiter et se circonscrire autour des ports. Nous avons, pour la propager et la faire dominer même, le puissant concours des missionnaires. Dans leur apostolat, ils ne se contenteront plus de baptiser des païens ; en gagnant des âmes à Dieu, ils les ramèneront aussi aux idées européennes d’honneur, d’ordre et de solidarité. C’est ainsi qu’agissaient ces hommes de dévouement