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Mlle LA QUINTINIE

PREMIÈRE LETTRE.


À M. HONORÉ LEMONTIER, À PARIS.

Aix en Savoie, Ier juin 1861.

Eh bien ! oui, père, j’ai du chagrin, tu l’as deviné, tu l’as senti. Elle ne m’aime pas !

Qui, elle ? Tu voyais bien, tu comprenais bien, au désordre de mes lettres, et tu sais bien qu’à mon âge, et de l’humeur dont tu m’as fait, il n’y a qu’un rêve : être aimé, et qu’une souffrance : aimer sans espoir.

Surtout ne t’afflige pas : je ne suis pas faible, ni lâche, ni fou, ni ingrat. Je sais que si je me laissais abattre, je te briserais le cœur. Je lutterai, je lutte. N’aie pas peur, ton enfant tâchera d’être un homme.

Je suis agité ce soir. Je m’efforcerai d’être calme demain. Je ne sortirai pas, et je passerai ma journée, s’il le faut, à te raconter mon histoire. Prends patience. Je crois que ce récit me fera du bien. Trois semaines d’émotion sans t’ouvrir mon cœur, c’était trop. J’étouffe. À demain, père. Tu sais que d’abord et avant tout je t’aime de toute mon âme.

Émile.

deuxième lettre.

À M. HONORÉ LEMONNIER, À PARIS.

Aix en Savoie, 2 juin 1861.

M’y voici. Il pleut. Je me suis enfermé dans l’espèce de chalet apocryphe que j’habite à côté d’Aix. Je ne veux m’occuper que de