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Toutes ces entreprises sont dès à présent praticables, puisqu’il s’agit de courtes distances et de faibles profondeurs. Pour qu’elles réussissent, il ne faut qu’un peu de cet engouement qui a manqué jusqu’à ce jour dans notre pays aux projets télégraphiques, et de cette prudence qui garantit le succès en modérant une activité trop inquiète.

Le réseau télégraphique va donc s’étendre jusqu’aux Indes. Ce n’est pas assez. Au-delà de la Péninsule, il y a de vastes contrées que la civilisation européenne gagne peu à peu. Les stations commerciales sont encore peu nombreuses, mais combien plus le deviendront-elles à mesure que ces peuples s’assimileront mieux nos idées ! A ne citer que les principales, c’est Singapoor, à l’extrémité de la presqu’île malaise, sentinelle de l’extrême Orient ; Saïgon, Hong-kong et Shang-haï, Batavia et les îles de la Sonde, enfin l’Australie tout entière. En jetant les yeux sur une carte de l’Asie, le lecteur devinera bien vite, à l’aspect de ces côtes profondément découpées et de ces innombrables archipels, que les mers de la Malaisie, de la Chine et du Japon sont peu profondes. On dirait d’une mince nappe d’eau qui s’est répandue sur une plaine, en laissant émerger quelques parties culminantes. Certes, si la Providence avait placé sur les rivages de l’Europe un océan ainsi parsemé d’îles, il y a longtemps que la télégraphie sous-marine serait une science certaine ; mais nous sommes à quelques mille lieues de là, et les câbles sont encore des êtres si délicats, la pose et l’entretien demandent encore des soins si minutieux qu’il est permis de douter s’ils s’étendront sur tous ces parages avant que l’industrie de la fabrication se soit transportée elle-même sur les lieux.

C’est ici le moment de mentionner un mémoire publié vers 1860, par M. Vérard de Saint-Anne, sur un vaste projet de télégraphie universelle, projet conçu sur des bases gigantesques. L’auteur réunit d’abord le réseau européen au réseau indien par la voie qui a été décidément adoptée, c’est-à-dire la Turquie d’Asie, la Perse et le Béloutchistan. Puis il passe de l’Indoustan à Singapoor ; de Singapoor, il immerge des câbles ou établit des lignes terrestres de ville en ville, de colonie en colonie, touche la Cochinchine, aborde en Chine, au Japon, atteint enfin les Kouriles, les Aléoutiennes, et arrive à San-Francisco par l’Amérique russe. Entre la Californie et New-York, il existe une ligne aérienne. Il en résulte que Paris communiquerait avec l’Amérique du nord, non point à travers l’Atlantique, mais en faisant en sens inverse le tour de la terre. Au lieu de 75 degrés de longitude, il y en a 285 entre les deux points extrêmes du parcours. L’idée fondamentale de ce projet est la préférence donnée aux lignes terrestres sur les lignes sous-marines, partout où