Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 44.djvu/953

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la latitude de l’Angleterre ; cependant les influences climatériques étant différentes, la température y est plus froide que dans les îles britanniques ; la mer n’y gèle pas, quoique les glaces flottantes y descendent du pôle. Ces îles sont des volcans éteints ; elles sont rarement boisées. Quelques-unes sont habitées par un peuple indigène, les Aleutes ; d’autres servent de lieu de dépôt aux Russes et aux Américains. On ne peut songer à les traverser toutes, car il n’y a pas de bois, et la construction des lignes terrestres serait très onéreuse ; puis les atterrissemens seraient trop nombreux, et exigeraient un personnel de surveillance très considérable ; enfin plusieurs d’entre elles ne sont même pas habitables, faute d’eau potable. Le lieutenant-colonel Romanof propose onze points d’atterrissement intermédiaires, c’est-à-dire douze câbles de 130 à 600 kilomètres chacun, et d’une longueur totale de 3,300 kilom., depuis Petropavldsk au Kamtchatka jusqu’à la presqu’île d’Aliaska en Amérique. Une autre série de câbles serait posée entre cette presqu’île et Vancouver, par les îles de Schumagine, Kardiac, Sitka, de la Reine-Charlotte, et quelques autres plus petites, ce qui formerait une autre longueur de 2,400 kilomètres environ, pour aboutir à l’île Vancouver, qui est déjà reliée à San-Francisco. Du côté de l’Asie, il faudrait, pour arriver à Petropavlosk, soit suivre au nord les côtes de la mer d’Okhotsk, soit appuyer vers le sud, en traversant le Japon et les Kourilles. La plus courte de ces lignes aurait encore 2,000 kilomètres de longueur. En récapitulant, nous trouvons donc, pour aller de l’Amour à Vancouver, 2,000 kilomètres en Asie, 3,300 le long des Aléoutiennes, 2,400 en Amérique, total 7,700 kilomètres de lignes terrestres ou de câbles sous-marins, deux fois et demie la distance de l’Irlande à Terre-Neuve, à travers un pays désert, ou peuplé d’habitans hostiles, sous des latitudes où les Européens ne s’aventurent pas volontiers. N’y a-t-il pas dans ces conditions de quoi rebuter les ingénieurs ? Cependant il serait téméraire de juger cette ligne impraticable après l’approbation officielle qui lui semble accordée. En effet, le message du président des États-Unis au congrès, en date du 1er décembre 1862, s’exprimait ainsi sur ce sujet : « J’ai favorisé le plan de relier l’Amérique à l’Europe par un télégraphe transatlantique, ainsi que le projet de prolonger le télégraphe au-delà de San-Francisco, pour nous rattacher par le Pacifique à la ligne qui s’étend actuellement au travers de l’empire russe. » Situées en dehors des grandes routes du commerce, les colonies que la Russie possède entre l’Amour et la presqu’île d’Aliaska sont peut-être la portion du globe la moins connue. Peut-être ; aussi n’apprécions-nous pas à leur juste valeur les ressources qu’elles présentent et l’avenir qui leur est réservé.