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absolument le fait assez vraisemblable d’un continent enseveli, ils rejettent une légende vague et dénuée de preuves. D’autres, parmi lesquels on peut citer Mentelle, Tournefort, Buffon et Bory de Saint-Vincent, admettent volontiers que l’Atlantide a existé et s’est abîmée dans les flots à la suite d’un bouleversement du globe terrestre. Les vestiges de ce continent ne peuvent être cherchés que sur l’emplacement que Platon a désigné lui-même, c’est-à-dire en face du détroit de Gibraltar, et nous devons reconnaître que la configuration du sol marin dans ces parages s’accorde singulièrement avec la tradition. C’est précisément là que l’on voit émerger du sein de l’Atlantique les archipels des Açores, de Madère, des Canaries, du Cap-Vert, et cette foule de rochers, d’écueils, de bancs et de récifs dont la position incertaine fait le désespoir des hydrographes. L’Atlantide aurait occupé toute cette région et se serait rattachée à l’Amérique par les bas-fonds à grande profondeur que l’on rencontre en allant des Açores à Terre-Neuve. Il y a donc quelque fondement à chercher les hauts plateaux et les chaînes de montagnes de ce continent disparu pour y déposer les câbles destinés à rattacher les deux parties du monde. Les lignes télégraphiques qui s’appuieraient sur les sommets apparens de l’antique Atlantide rempliraient un double but : elles relieraient à l’Europe quelques-unes des principales colonies de la France, de l’Espagne et du Portugal, et elles nous mettraient en correspondance avec les États-Unis. Il faut donc examiner quel pourrait être le tracé de ces lignes.

En partant de Lisbonne, du cap Saint-Vincent ou de tout autre point à déterminer sur la côte occidentale de la péninsule ibérique, on relie d’une part les Açores, de l’autre Madère, puis les Açores à Madère, afin d’avoir deux lignes indépendantes l’une de l’autre et aboutissant à des îles différentes dans l’archipel des Açores. On réunit de même par un triangle le Portugal, Madère et les Canaries, par un autre triangle les Canaries, les îles du Cap-Vert et le Sénégal. Dans l’état actuel de la science et de l’industrie, ces opérations n’ont, pour ainsi dire, rien d’aléatoire, car les distances ne sont pas excessives, et les grandes profondeurs sont de faible étendue.

Ce réseau aurait 7,500 kilom. de longueur, et coûterait environ 15 millions de francs. Il desservirait les Açores (250,000 habitans), Madère (100,000 habitans), l’archipel du Cap-Vert (50,000 habitans) qui sont des dépendances du Portugal, les Canaries (200,000 habitans), dépendance de l’Espagne, le Sénégal, dont l’importance commerciale et politique s’accroît chaque jour. Toutes ces colonies ont des relations nombreuses avec l’Europe et attirent plus volontiers que les régions glaciales de l’extrême nord. Quelques-unes de ces lies sont surtout à considérer comme points de relâche. Les paquebots